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L'ABBAYE DE LA CHALADE

UNE LONGUE HISTOIRE

En terre d'Empire, mais à quelques mètres du Royaume de France, en bordure du modeste cours d'eau qui servit de frontière entre ces deux états durant des Siècles, l'abbaye de La Chalade [1] est un important monument gothique de l'Est de la France, tant par sa qualité architecturale que par sa date ; et elle a conservé la plus grande partie de ses bâtiments conventuels du XVIIe siècle. Mais sa modestie cistercienne l'a laissée à l'écart des grands courants touristiques. Et la destruction presque totale de ses archives, qui ne facilite pas son étude et oblige à passer beaucoup de temps pour essayer de combler, au moins partiellement, les lacunes de son histoire, explique le petit nombre des travaux qui lui ont été consacrés [2].

L'abbaye a été implantée au coeur de la forêt d'Argonne [3], dans la vallée de la Biesme, à une centaine de mètres de ce cours d'eau, qui coule alors dans l'axe du massif forestier et qui a été défini depuis longtemps comme marquant des limites entre les diocèses de Châlons-sur-Marne et de Verdun ; entre le royaume de France et l'Empire ; entre les départements de la Marne et de la Meuse ; entre les régions de Champagne-Ardenne et de Lorraine.

La Biesme reçoit sur sa rive droite toute une série de petits affluents ; l'abbaye s'est implantée sur l'un d'eux, le ruisseau de la Chévrie, dont les eaux ont été canalisées et domestiquées par les moines ; le village, né de l'abbaye, profite d'un petit élargissement de la vallée pour s'étendre vers le nord, jusqu'au ruisseau des Sept-Fontaines.

Le site correspond tout à fait à ceux qu'aimaient les cisterciens : un lieu situé loin de l'agitation du monde, dans la forêt, à proximité de l'eau.

Dans le cas présent, ce ne sont pas eux qui l'ont choisi ; mais il convenait à leurs désirs, parce que ceux qui s'y étaient établi les premiers avaient eu les mêmes préoccupations qu'eux.

L'endroit était probablement inhabité lors de l'arrivée des premiers moines. Mais son nom est antérieur à leur venue : en Lorraine et dans l'est de la Champagne, une « chalade », c'était une montée pierreuse sur un chemin [4], c'est-à-dire une côte. Ce mot fut utilisé comme nom commun au moins jusqu'au XVIIe siècle, puisqu'on le trouve dans le Noël de Ligny-en-Barrois [5], et son sens était encore compris au XIXe siècle [6].

Le lieu s'appelait primitivement « la Chalade de Saint-Rémi », qui se traduisait en latin « Caladia Sancti Remigii ». Cette dénomination ne se trouve que dans les textes les plus anciens et disparut très vite [7]. Rappelle-t-elle le souvenir de l'ancien propriétaire du lieu, à savoir l'abbaye Saint-Rémi de Reims, qui a eu tant de biens dans la région ? C'est vraisemblable, puisque l'abbé rémois fut l'auteur d'un des rares textes qui utilise cette expression. De plus l'abbaye de Moiremont, en août 1130 [8], puis le chapitre de la cathédrale de Reims, en octobre suivant [9] abandonnèrent tous leurs droits sur l'espace s'étendant entre la Biesme et la Haute-Chevauchée [10]. Or on sait qu'il y a eu des interférences entre les biens de ces deux communautés et ceux de Saint-Rémi de Reims.

La position de l'abbaye, à quelques mètres de la frontière entre le royaume et l'Empire et près de l'endroit où les diocèses de Châlons-sur-Marne, Reims et Verdun se touchent, a provoqué toutes sortes de confusions. L'abbaye en a vraisemblablement joué au mieux de ses intérêts. Au XIIe siècle, elle a en effet reçu plus de dons du côté champenois que du côté lorrain, et fut l'objet d'une particulière générosité de la part des châtelains de Vitry-en-Perthois, comtes de Rethel, qui étaient seigneurs de sainte-Menehould.

La situation juridique de l'abbaye a pu ne pas paraître toujours très claire : elle est dans le diocèse de Verdun, assure Laurent de Liège dès le XIIe siècle [11] ; mais la plus grande partie des biens qui lui seront donnés au XIIe siècle, le seront dans le diocèse de Châlons-sur-Marne ; et c'est dans ce diocèse que la localisera, en 1281, l'official de l'archidiacre de Reims, dans un acte pourtant demandé par l'abbaye elle-même [12].

Les problèmes liés à l'emplacement et aux variations de la frontière entre le royaume de France et l'Empire ont suscité plusieurs études [13]. Nous n'y reviendrons pas, sinon pour ajouter quelques pièces au dossier. La plus importante est l'acte du 22 mars 1441 (n. st.), dans lequel le roi de France reconnaissait que l'abbaye était située hors de fins et mittes [= limites] de notre royaume [14].

La question de la garde de l'abbaye est complexe : le comte de Bar Thibaud Il affirma en 1247 (v. st.) : J'ai an ma garde l'abbaïe de la Chalaide, et les granges, et toutes les appendises de ceil mesmes lieu, et se ne les puis oster de ma garde, ou de mon hoir celui qui enra [= aura] Clermont [15]. Il affirme donc que cette garde dépend du château de Clermont. On est donc en droit de penser qu'il possédait cette garde depuis qu'il détenait ce château, c'est-à-dire depuis que l'évêque Aubéron III (1131-1156) le lui inféoda [16].

Le fait que le comte soit très peu intervenu dans le premier siècle de l'histoire de l'abbaye [17] n'a pas de rapport avec ce droit de garde : il avait l'obligation de défendre l'abbaye, moyennant une rémunération qui n'est pas connue, mais qui n'était habituellement pas négligeable ; il n'était pas pour autant autorisé à intervenir dans le fonctionnement de l'abbaye, ni dans les dons qui lui étaient faits.

Mais, en 1388, Yolande de Flandre, comtesse de Bar, ne revendique plus ce droit de garde pour elle, prétendant seulement que les religieux, abbey et couvent de l 'église de la Chalaide ait esté fondée par nos prédécesseurs contes de Bar [18], ce qui était d'ailleurs inexact.

Qui avait alors ce droit de garde ? Probablement le roi de France, puisque, en 1428, Jean de Varennes, abbé de La Chalade, proclame que, bien que sa dite église soit assise hors du royaume de France, néantmoins d'ancienneté ycelle et son couvent sont en la garde du roy [19] et cette affirmation est reprise par le roi Charles VII qui, en 1441, écrit que combien que la dite abbaye soit située et assise hors les fins et mittes de nostre royaume, [elle est] de long temps en nostre protection et espécial sauvegarde [20].

Depuis quand le roi de France avait-il la garde de l'abbaye de La Chalade ? Ce fut peut-être une conséquence du traité de Bruges imposé par le roi Philippe le Bel au comte Henri III de Bar, le 4 juin 1301. Un des articles de ce document prévoit en effet que le roi gardera tous les biens que le comte avait dans le royaume de France, car ils ont été confisqués pour raison de forfaiture. Mais le cas de Vienne-le-Château est laissé en suspens. Cette localité reviendra au comte se il estoit trovez qu'elle fust de l'éritage de sa mère. Or Vienne était une dépendance du comté de Clermont et provenait des ancêtres paternels du comte, et non de sa mère, fille du roi d'Angleterre. Pourtant Vienne resta au comte. Il y eut donc négociation et on peut supposer que le roi de France obtint alors la garde de La Chalade [21].

LA FONDATION DE L'ABBAYE

Les origines et les premiers temps de l'abbaye de La Chalade sont bien connus par une charte donnée par Aubéron [22] III, évêque de Verdun, depuis longtemps connue, publiée [23] et commentée [24]. Les Gesta episcoporum Virdunensium (écrits par Laurent de Liège, moine de Saint-Vanne de Verdun) confirment les événements relatés par cette charte et apportent quelques renseignements complémentaires, bien que, dans l'ensemble, ils soient moins bien informés et que leurs affirmations doivent être prises avec prudence quand elles ne se trouvent pas aussi dans la charte [25]. C'est pourtant cette chronique qui a été utilisée par tous les auteurs anciens, car c'était la seule source connue par eux [26].

Au commencement étaient deux frères, Robert et Ricuin, qui s'installèrent avec quelques autres personnes au lieu-dit La Chalade-Saint-Rémi. Leur règle ne nous est pas connue, mais on peut supposer qu'il s'agissait de celle de saint Benoît, car Robert était moine de l'abbaye Saint-Vanne de Verdun et, par la suite, il fut nommé abbé de l'abbaye bénédictine de Beaulieu-en-Argonne par Henri de Winchester, évêque de Verdun de 1117 à 1129 [27].

Leur démarche n'a rien d'étonnant, à la fin du XIe siècle ou au début du XIIe, période de foisonnement religieux qui vit beaucoup d'hommes quitter le monde pour aller chercher Dieu dans les monastères. D'autres, épris d'absolu, partirent dans la solitude et devinrent ermites. Certains, enfin, fuirent le monde en groupe pour fonder des communautés, tentant d'inventer de nouvelles formes de vie religieuse. Certains de ces nouveaux établissements ne durèrent que peu de temps, d'autres aboutirent à des formes que l'Église refusa et considéra comme entachées d'hérésie. Mais certains se perpétuèrent, soit en devenant des ordres nouveaux (cisterciens, grandmontains, chartreux, prémontrés, etc.), soit en se rattachant à des formes de vie monastique anciennes ou nouvelles. C'est ainsi que débuta l'abbaye du Reclus [28], qui s'affilia ensuite à l'ordre cistercien. Ponton [29] fut d'abord un ermitage, avant de devenir une « grange » [30] de l'abbaye cistercienne de Hautefontaine [31].

En Argonne, il faut évidemment citer le cas des trois abbayes de Châtrices (Marne), Montiers-en-Argonne (Marne) [32] et Lisle-en-Barrois (Meuse), fondées par un certain Eustache, qui en devint abbé. Elles formaient un embryon d'ordre, mais, peu de temps après la mort du fondateur, les deux dernières devinrent cisterciennes.

Robert et Ricuin voulurent fonder une communauté durable et en communion avec l'Église. Ils obtinrent donc l'accord des seigneurs du lieu, Mathilde, dame de Vienne-le-Château, et son fils Gautier, dit le Neveu. Puis, estimant que ce patronage était insuffisant, ils demandèrent l'aval de l'évêque de Verdun, Henri. Celui-ci le leur accorda de façon solennelle, dans une cérémonie qui eut lieu dans la cathédrale de Verdun. On suivit une procédure féodale pour la donation de la terre où l'abbaye était en cours de constitution : Gautier et sa mère Mathilde remirent cette terre à leur seigneur, Baudoin de Belrain ; celui-ci la rendit à son propre seigneur, le comte Renaud de Bar, agissant ici comme « avoué » de l'évêché de Verdun (c'est-à-dire, dans la terminologie de l'époque, comme responsable du temporel de l'évêché) [33] ; le comte la remit à l'évêque, qui en fit don aux nouveaux moines. Ceci se passa « quelques années avant 1127 », plus précisément entre 1117 (date du début de l'épiscopat d'Henri) et 1127.

Il n'est pas sans intérêt de remarquer que le don du lieu où l'abbaye était installée fut accompagné de droits d'usage sur tout le terroir d'Aubréville, ce qui permet de savoir que La Chalade, dont le nom n'est même pas cité dans cette charte, avoisinait le terroir de cette paroisse, qui devait s'étendre jusqu'à la Biesme. En effet, les villages du Claon, du Neufour et des Islettes n'existaient pas encore : ils ont été créés bien plus tard, [34] par défrichement de la forêt d'Argonne qui, auparavant, s'étendait sans solution de continuité entre les vallées de l'Aire et de l'Aisne, et formait la frontière entre le royaume de France et l'empire germanique. Les moines s'étaient donc installés au coeur du massif forestier, loin de tout centre habité, comme le faisaient les cisterciens et beaucoup d'autres.

La qualité de la vie religieuse du nouvel établissement et les bonnes relations qu'il entretenait avec le chef du diocèse engagèrent l'évêque Henri à nommer Robert abbé de la très vieille abbaye de Beaulieu-en-Argonne (Meuse).

Son départ priva La Chalade de son dynamisme ; c'est pourquoi son frère Ricuin, qui avait pris la tête de la communauté, se décida à faire entrer son établissement dans la communauté cistercienne, qui était alors en plein développement et apparaissait comme la meilleure voie vers la perfection. Il reçut l'accord de son frère Robert, celui de l'évêque Henri, et proposa son agrégation par l'intermédiaire de l'abbaye de Trois-Fontaines (Marne), fille aînée de Clairvaux. Il vint donc à Trois-Fontaines, avec Gautier, seigneur de Vienne-le-Château, rencontra l'abbé Gui, qui la dirigeait, et le persuada d'envoyer des moines de son abbaye à La Chalade.

Une lettre de saint Bernard, abbé de Clairvaux, adressée à Henri, évêque de Verdun, mentionne cette transformation et demande à l'évêque de la favoriser. [35] C'est ce qu'il fit volontiers. Une date fut fixée ; les deux abbés, Gui de Trois-Fontaines et Robert de Beaulieu rencontrèrent Hugues l'apocrysaire, envoyé par l'évêque Henri, qui n'avait pas pu venir lui-même, et qui avait mission de confirmer canoniquement à Gui la possession du lieu ainsi qu'il en avait été décidé à Verdun. La concession primitive fut même augmentée, puisque fut reconnue à l'abbaye toute l'étendue de la terre comprise entre les deux voies - celle qui conduit à Vienne-la-Ville [36] et celle des Giponnois [37] - et depuis le coudrier qui se trouve en haut de ces deux voies jusqu'au ruisseau appelé la Biesme. Cette remise officielle eut lieu en 1127.

En résumé, il faut distinguer plusieurs périodes dans les premiers temps de l'abbaye :

1) installation, dans un lieu inhabité, de deux frères épris d'absolu, Robert et Ricuin ils sont rejoints par d'autres personnes ;

2) se pose alors à eux le problème de la stabilisation de leur établissement ; ils obtiennent alors, des seigneurs de Vienne-le-Château, le don du lieu où ils vivent ;

3) ils obtiennent l'accord de l'évêque de Verdun, à la fois seigneur temporel et spirituel de ce lieu ; pour cela, on suivit une procédure typique des institutions féodales ;

4) Robert est nommé abbé de Beaulieu-en-Argonne ;

5) Ricuin, ne voulant pas assumer la responsabilité de la direction de l'abbaye, sollicite son agrégation à l'ordre cistercien, en tant que fille de Trois-Fontaines.

Il reste à dater ces étapes :

- le seul indice permettant de dater la première installation est la date de décès de Robert: il vivait encore entre 1132 et 1135 [38] ; il a donc dû naître dans le dernier tiers du XIe siècle, ce qui reporte sa fuite du monde à la fin de ce siècle, ou plus vraisemblablement au début du suivant. Les moines étaient donc déjà ici lorsque, en 1122, Henri, évêque de Verdun, y rencontra le comte Renaud de Bar pour faire la paix avec lui [39]. On doit donc y voir le plus ancien témoignage du rayonnement spirituel de l'abbaye, et la preuve de l'intérêt et de la confiance que lui témoignait l'évêque Henri ;

- la deuxième phase se fait alors que Gautier de Vienne est encore sous la tutelle de sa mère Mahaut ;

- l'accord de l'évêque de Verdun est obtenu au plus tôt en 1117, date à laquelle Henri devient évêque de Verdun, et au plus tard en 1125, puisqu'il y eut plusieurs années entre cet événement et le suivant ;

- Robert devint abbé de Beaulieu au plus tard en 1127 ; il succédait à Aubry, qui exerçait encore sa charge en 1125 [40] ;

- la remise de La Chalade à l'ordre cistercien eut lieu en 1127. La date officielle de fondation fut fixée au 8 juillet 1127 [41].

Tout ceci fut confirmé en 1134 [42] par l'évêque Aubéron III, à la demande d'un abbé de La Chalade nommé Hugues.

On prétend depuis longtemps [43] que, dans un premier temps, l'église fut dédiée à saint Sulpice. Cette affirmation trouve son origine dans un passage de Laurent de Liège, qui assure qu'un noble nommé Hervé se joignit aux moines d'une manière admirable : ayant quitté sa femme, son fils unique, le monde et tous ses biens, il se fit attacher une corde au cou et, comme un malfaiteur, il alla de sa maison jusqu'« au lieu-dit Saint-Sulpice », éloigné de deux milles, faisant l'admiration de tous [44].

Le chroniqueur n'écrit pas que l'église de La Chalade est dédiée à saint Sulpice il parle du lieu (locum Sancti Sulpicii) Dès lors, comment ne pas voir qu'il s'est trompé de saint, citant Sulpice au lieu de Rémi ? C'est en effet ce dernier qui avait attaché son nom à La Chalade « Caladia Sancti Remigii », ainsi que nous l'avons vu.

D'ailleurs aucun autre document ne vient confirmer ce vocable inhabituel chez les cisterciens ; bien au contraire, tous les textes conservés disent que l'abbaye était sous le patronage de la Vierge Marie au moins dès 1135 [45].

AU TEMPS DES CONSTRUCTEURS : DU XIIe AU XIVe SIÈCLE

Il n'est pas dans mon propos d'écrire la totalité de l'histoire de l'abbaye. Celle de la constitution du temporel de l'abbaye au XIIe siècle ayant été écrite par Hubert Collin [46], je m'attacherai à souligner un certain nombre de points en relation avec la construction, l'entretien et l'utilisation de l'église et des bâtiments conventuels.

Laurent de Liège rapporte que l'abbaye de La Chalade fut consacrée par l'évêque de Verdun Aubéron III, mais sans en fixer la date [47]. Selon la Gallia christiana, ce fut en 1130 [48]. Mais cette date est évidemment fausse, puisque les auteurs de cet ouvrage assurent en même temps que ce fut au temps de l'abbé Hugues, alors que celui-ci n'avait pas encore reçu cette charge en cette année et qu'ils avaient écrit, quelques pages auparavant, qu'Aubéron était devenu évêque de Verdun en 1131 [49] ! La date de 1130 a toutes les apparences d'une coquille malencontreuse il faut sans doute lire « 1136 », comme l'avait écrit Edme Baugier [50], quelques années avant les auteurs de la Gallia, et qui est probablement leur source. Il nous est aujourd'hui impossible de savoir sur quoi repose son affirmation, et donc d'en apprécier la valeur ; l'année 1136 est plausible. Nous l'admettrons donc avec prudence. Si on voulait refuser la précision peut-être illusoire de cette date [51], il faudrait placer cette consécration entre les années 1131 et 1156, qui limitent la période pendant laquelle Aubéron III fut évêque de Verdun, sachant qu'elle est postérieure à la charte de 1134 qui n'en parle pas.

L'abbaye connut une grande prospérité au XIIe siècle, ainsi que le laisse supposer le grand nombre de donations qu'elle reçut [52]. Laurent de Liège l'affirme, en précisant que, de son temps, il y avait plus de 300 moines. On sait que les chiffres donnés par les auteurs anciens n'ont pas la précision que nous leur donnons ; mais celui-ci témoigne de l'importance de l'abbaye et de la forte impression qu'en ressentit le chroniqueur.

La vitalité de l'abbaye se manifesta aussi par la fondation d'une abbaye-fille : en 1147, les chanoines de la cathédrale de Reims donnèrent à Gontier, abbé de La Chalade, et à ses moines leur domaine de Chéhéry (Ardennes), pour y établir une abbaye de leur ordre [53]. Après avoir veillé sur les premiers temps de la nouvelle abbaye, La Chalade accepta, en 1489, que Chéhéry soit considérée comme une fille de Trois-Fontaines [54].

Hugues Ier, châtelain de Vitry, donna, en 1221, une rente annuelle de 50 sous sur ses tonlieux de Sommevesle (Marne), afin que les messes soient célébrées avec des chandelles de cire, alors que, jusque-là, elles l'étaient avec des chandelles de suif ; il donna en même temps cinq setiers de froment pour confectionner des hosties [55].

Un texte, signalé dès 1905, est resté inconnu des historiens de La Chalade : le 45 mai 1290, le pape Nicolas IV accorda quarante jours d'indulgence à ceux qui visiteraient l'église de l'abbaye de Notre-Dame de La Chalade, sise dans le diocèse de Verdun, aux fêtes de la Vierge : Annonciation, Visitation, Purification et Assomption [56]. Faut-il mettre cette concession en rapport avec des travaux de reconstruction, en cours ou simplement prévus ? C'est évidemment très tentant. Mais je ne crois pas qu'il faille le faire, pour deux raisons : il n'est pas fait mention d'une telle cause dans l'attribution de ces indulgences [57] ; et, le même jour, le pape accorda la même faveur, dans les mêmes termes, à neuf autres abbayes cisterciennes voisines : Chéhéry, Trois-Fontaines, Châtillon, Hautefontaine, Orval, Cheminon, Montiers-en-Argonne, Saint-Dizier et Vitry-en-Perthois [58].

En 1372, Perrin de Vauquois fut enterré près d'un autel où il avait fondé une chapellenie [59].

DE LA GUERRE DE CENT ANS A LA RÉFORME

La guerre de Cent Ans dévasta la Lorraine, bien qu'elle ait été membre du Saint-Empire. Aucun texte n'indique que La Chalade ait été détruite ou pillée [60] ; mais elle souffrit profondément de la crise violente qui secoua l'économie et la société.

Voir les sceaux de l'abbaye et de l'abbé

Nous en avons plusieurs témoignages. Lors du chapitre général de l'ordre de Cîteaux, tenu en 1400, l'abbé de La Chalade fit approuver un contrat passé avec un chanoine de Montfaucon, pour la remise en état de vignes à La Neuve-Grange, ruinées depuis près de quarante ans [61].

En 1412, le roi de France Charles VI, préparant une expédition contre les Armagnacs, alors alliés au roi d'Angleterre, demanda à l'abbaye de La Chalade de lui fournir un chariot avec des chevaux. Les moines le supplièrent de les en dispenser, car, d'une part, ils n'y étaient pas tenus par la coutume, et, d'autre part, leur situation ne le leur permettait pas et ils demandèrent au roi de considérer les grans charges qu'ilz ont à supporter, les pertes et dommaiges qu'ilz ont eus par le fait des gens d'armes depuis naguaires et autrement, par quoy ils n'avaient de quoy envoier ne fournir les choses dessus dites [sans] que le divin service ne cessast de tous poins, ou qu'ilz ne demourassent en très grant nécessité.

On pourrait peut-être croire qu'il y avait de leur part un peu d'exagération, car on a du mal à imaginer que la fourniture d'un chariot, même attelé de chevaux, et d'une ou plusieurs personnes pour le conduire puisse les réduire à une telle misère : d'ailleurs si, le 7 mai 1412, le roi les dispensa de cette fourniture, ce fut uniquement parce que la coutume ne permettait pas de la leur imposer [62].

Mais cette situation désastreuse est confirmée par un autre document : le 7 décembre 1440, Gillette de Cheppy. veuve de Nicolas de Nettancourt, en préambule à un acte de donation, explique qu'elle a eu regart, pitié et compassion à la grande et misérable povreté en quoy, par le moyen et oppression des guerres et autrement, [les religieux, abbé et couvent] estoient de piéça cheuz [63].

L'histoire de l'abbaye nous échappe ensuite pendant un siècle. Rien ne permet de savoir si elle eut à souffrir des guerres de religion ou de celles entre Charles-Quint et François Ier : la mention de pillages au milieu du XVIe siècle est en effet une simple erreur d'inattention de Dom Demeaux, qui a écrit 1551 au lieu de 1651 [64].

Les stalles, qui devaient être d'un modèle peu courant, puisque Dom Guyton a noté, à chacun de ses passages, leur particularité, avaient été faites sous l'abbatial de Claude Angenost [65], qui est connu depuis 1541 et mourut le 20 décembre 1562. Elles étaient donc probablement faites dans le style de la Renaissance. Elles furent détruites sous la Révolution, et c'est une perte importante, que nous ne pouvons que regretter.

Par son testament daté du 9 janvier 1607, Christophe de La Vallée, évêque de Toul et abbé commendataire de La Chalade, légua à son abbaye la somme de quatre centz francs... pour estre employé... a l'achapt d'ornementz d'église [les] plus nécessaires à l'église dudict monastère [66]. Ce legs indique sans aucun doute que l'abbaye se trouvait dans une grande pauvreté, puisqu'il voulut non pas embellir le culte divin, mais seulement pallier aux manques les plus flagrants.

L'INTRODUCTION DE LA COMMENDE

La commende ne fut introduite dans l'abbaye de La Chalade qu'assez longtemps après le concordat de 1516, passé entre le pape Léon X et le roi François Ier ; et ceci pour une raison évidente en 1516, l'abbaye de La Chalade ne se trouvait pas dans le royaume ! N'étant pas comprise dans cet accord, elle aurait même dû rester dans la régularité. Mais les rois de France donnèrent toujours à cet accord une portée extensive, quand cela leur était profitable. Dans le cas de La Chalade, les papes cherchèrent à maintenir leurs droits le plus longtemps possible, mais en vain. Il faut bien dire que l'élection prévue par la règle bénédictine ne se pratiquait généralement plus, par la faute du pouvoir pontifical qui avait pris de mauvaises - mais rentables - habitudes : le pape s'était réservé la nomination de tous les titulaires de bénéfices ecclésiastiques, mais il acceptait les permutations et les démissions faites au profit d'un tiers. On imagine les trafics auxquels se livraient les ambitieux, au grand scandale de tous ceux qui rêvaient d'une Église parfaite.

Il n'empêche que les moines de La Chalade eurent à regretter le temps où le pape choisissait les abbés ; car il les prenait habituellement dans des monastères, alors que le roi choisissait plutôt des clercs séculiers, qui avaient une fâcheuse tendance à vouloir faire carrière et à pressurer leur abbaye pour en tirer le maximum d'argent.

La commende fut introduite par étapes. Le dernier abbé qui avait été religieux cistercien fut Claude Lollier, qui avait été choisi, en 1574, parmi les moines de La Chalade [67]. Il résigna, en 1581, en faveur de Nicolas Thomas, religieux de La Chalade. Mais le pape refusa de valider sa nomination et nomma, en 1583, Charles de Vaudémont, dont la famille était une branche cadette de la famille ducale de Lorraine. Bien que trop jeune pour être sacré, il était déjà évêque de Toul, et allait devenir évêque de Verdun en 1585. Le nouvel abbé n'était pas moine, mais, étant frère de Louise de Vaudémont, il se trouvait être beau-frère du roi de France Henri III, qui intervint en sa faveur. Ce fut le premier abbé commendataire, mais, comme il devint cardinal en 1585, les moines du XVIIe siècle crurent qu'il pouvait être compté parmi les réguliers, car, disaient-ils, les cardinaux avaient le droit de posséder une abbaye réputée régulière [68]. Les rois de France ne l'entendirent pas ainsi et surent se souvenir de ce précédent.

Malgré l'opposition de Nicolas Thomas, qui continua à se proclamer abbé de La Chalade, Charles de Vaudémont en prit possession. Après sa mort (1587), Charles Le Pougnant, qui était religieux bénédictin de l'abbaye de Saint-Mihiel, fut nommé à l'abbatiat par le pape. Il résigna en faveur de Christophe de La Vallée, évêque de Toul, moyennant le payement d'une pension annuelle de 1350 francs barrois ; le pape accorda ses bulles au nouvel abbé, le 20 février 1597.

Christophe de La Vallée mourut en 1607. Le pape nomma alors François de Livron de Bourbonne, le 26 décembre 1607, malgré les protestations du roi Henri IV, qui considérait que l'abbaye était tombée en commende [69]. Et on comprend qu'il ait pu le croire, en raison de l'histoire récente de l'abbaye.

Ce fut le dernier abbé que nomma le pape. En effet, quand il mourut, le 15 novembre 1647, les moines élirent Placide Petit : celui-ci ayant été nommé abbé de L'Étoile (en Poitou) par le roi, ils élirent Benoît Lavandier, religieux de Clairvaux. En même temps le pape nommait Louis de La Rivière, tandis que le roi Louis XIV accordait le titre abbatial à Gilbert de Clérembault de Palluau. Trois personnes se disputaient donc la charge d'abbé de La Chalade. Ce fut le candidat du roi qui en prit possession, pour la simple raison que les troupes françaises occupaient la Lorraine [70]. Le pape refusa de reconnaître cet abbé, puis ses successeurs jusque 1718, bien que tous aient été nommés par le roi ; mais cela ne les empêcha pas de jouir des revenus de l'abbaye.

LES ACCORDS AVEC LES ABBÉS COMMENDATAIRES

Il nous faut revenir un peu en arrière, pour comprendre les circonstances qui entourent la reconstruction de l'abbaye.

La séparation entre la mense des moines et celle de l'abbé se fit tardivement. Tant que les abbés furent des réguliers, cela ne semble pas avoir posé trop de problèmes. Mais la séparation des menses devint indispensable à partir du moment où l'abbé ne fut plus un religieux, car il ne versait aux moines que le minimum leur permettant de vivre et ne réparait pas les bâtiments. Ce fut une source de difficultés et de procès qui durèrent plus d'un siècle. Il nous faut exposer les méandres de cette affaire, car ils nous permettent de comprendre les raisons et les conditions des travaux de reconstruction des bâtiments conventuels et du logis de l'abbé.

Il fallut trente ans à François de Livron de Bourbonne pour accepter un partage des biens : en 1637, il accorda aux religieux les revenus provenant du tiers des biens fonciers. Puis, par arrêt du parlement de Metz, daté du 19 décembre 1646, les biens furent divisés en trois lots : l'un pour l'abbé, le deuxième pour les moines et le dernier pour l'entretien des bâtiments. On revint très vite sur le partage, sans remettre en cause son principe ; et le même parlement ratifia, les 30 et 31 juillet 1647, une nouvelle répartition des biens. L'abbé accepta de laisser aux moines la gestion du troisième lot, à charge pour eux de reconstruire les bâtiments conventuels et de lui verser une rente annuelle de 800 livres. Mais il mourut le 15 novembre suivant.

Son successeur, Gilbert de Clérembault de Palluau, fit saisir ce troisième lot, en 1654, après avoir mis la main sur les titres, en 1653. Les religieux l'assignèrent alors devant le parlement de Metz, puis devant celui de Paris, car il refusait de faire les réparations pourtant attachées au troisième lot. Un premier arrêt provisoire accordait aux moines une provision de 1 500 livres (15 mars 1661). Puis le Parlement trancha, en répartissant le troisième lot entre les deux parties celle des moines restait chargée des réparations et celle de l'abbé était grevée de diverses charges : payement des décimes ecclésiastiques [71], de la pension du moine laïc [72] et de celle du maître d'école de Sainte-Menehould [73]. Et l'abbé avait l'obligation de remettre toutes les archives dans le trésor.

Par transaction du 5 mai 1679, l'abbé acceptait de rendre les archives ; il acceptait aussi que les moines rasent le logis abbatial, qui les gênait, et le reconstruisent ailleurs. Il mourut en 1680, alors que cette démolition venait d'être entreprise.

Son successeur, Adrien de Guittoneau, entra immédiatement en procès contre les moines, tant à cause de la destruction de la maison abbatiale que pour obtenir un nouveau partage des biens [74]. Celui-ci fut fait le 22 décembre 1682 [75] ; et l'abbé mourut le 15 janvier 1683.

Il fut remplacé par Nicolas Chéron, qui voulut jouir de deux des trois lots. Et qui obtint un arrêt du Conseil, le 3 janvier 1686, qui l'autorisait à se saisir du lot contesté. Les moines finirent par accepter (19 août 1686 et 27 février 1687) de n'avoir qu'un seul lot et de se charger quand même de toutes les réparations de l'église, de celles des bâtiments conventuels, de la construction d'un nouveau clocher et de celle du logis abbatial !

Durant la courte période où ils ont joui d'une partie du troisième lot, les moines ont réussi à reconstruire la totalité des bâtiments conventuels. L'argent nécessaire aux travaux provint de la coupe et de la vente des arbres de leurs bois, mais aussi d'emprunts ; le visiteur de 1686 nota même que les moines s'étaient lourdement endettés pour mener à bien leurs travaux [76].

La reconstruction de leur abbaye explique qu'ils aient accepté cet accord, ce qui paraît inexplicable, à première vue, tellement il semble aller à l'encontre de leurs intérêts. L'entretien de ces bâtiments neufs devait paraître peu coûteux et supportable pour leurs revenus, suffisamment, du moins, par rapport au bienfait que représentait la paix avec leur abbé [77]. Le nom du prieur en charge durant cette période des travaux nous a été conservé c'était Dom Lhommedieu, au nom prédestiné [78].

Après la mort de l'abbé Nicolas Chéron (16 janvier 1692), vint Louis de Vassinhac d'Imécourt, qui fit condamner les religieux à reconstruire le clocher (3 octobre 1692), ce qu'ils firent en 1695, tout en plaidant contre la transaction de 1686 (voir Pl. 19).

Le 30 septembre 1702, ils transigèrent avec leur abbé : celui-ci accepta de leur verser une rente annuelle de 1 000 livres. Ils firent reconstruire le logis abbatial en 1706 et 1707. Puis il y eut un nouveau partage des biens, homologué le 9 septembre 1711. L'abbé mourut en décembre 1716.

Il fut remplacé par Eustache Le Danois de Geoffreville de Ronchères. Les moines plaidèrent contre lui pour obtenir qu'il participe à la réfection de deux gros piliers de l'église qui menaçaient ruine. Ces piliers sont sans doute des contreforts, car c'est ainsi qu'on les appelait au XVIIIe siècle. L'abbé accepta de verser 700 livres en 1724. Puis les religieux engagèrent un procès au receveur qui gérait les biens de l'abbé, car il ne versait pas la rente de 1 000 livres qu'il devait leur payer. Une transaction termina cette affaire en 1730.

En 1738, les religieux firent faire une coupe de bois pour faire des travaux importants dans les bâtiments conventuels, ce qui provoqua un nouveau procès avec leur abbé, terminé par un accord, le 15 octobre 1748, homologué le 30 décembre 1749.

La seconde moitié du XVIIIe siècle fut beaucoup plus calme, mais cette succession de procès montre bien que les abbés commendataires n'avaient aucun souci religieux : leur seul désir était de recevoir le plus d'argent possible. D'ailleurs, ils ne résidaient pas à La Chalade. Il est même vraisemblable que certains d'entre eux n'y sont jamais venus. Où auraient-ils habité entre 1680 et 1707, alors qu'il n'y avait pas même une maison pour les abriter ? Et nous savons que, lorsque celle-ci existait, elle était habitée par le receveur ou par un fermier [79].

LA RECONSTRUCTION DES BATIMENTS CONVENTUELS

Les religieux, secoués par les soubresauts des XIVe, XVe et XVIe siècles, avaient fini par prendre quelques libertés avec la règle cistercienne. Nous en citerons pour preuve une remarque faite par Claude Lemaistre, abbé de Châtillon, qui visita La Chalade en 1670 : il signala l'existence d'un bâtiment indépendant, appelé « Le Pavillon », qu'avait fait construire un moine « antérieur à la Réforme ». Ce moine avait donc conservé ses biens propres et vivait à l'écart de la communauté, ce qui témoigne d'un certain laxisme dans l'application de la règle bénédictine.

A une époque plus ancienne, le laxisme avait été encore bien plus grand, puisqu'un moine avait pu amener au dortoir des femmes « suspectes » et que, de l'une d'elles, il avait eu une descendance ! Mais il se repentit et obtint son pardon en 1492 [80].

Il était devenu urgent de retourner à une interprétation plus stricte. C'est pourquoi le cardinal de Richelieu fit réformer l'abbaye de La Chalade, comme d'ailleurs bien d'autres en France. Les religieux de la stricte observance furent introduits le 30 mars 1637 [81]. En l'absence de documents contraires, il est normal de penser qu'elle fut introduite comme cela se faisait partout : les anciens moines restaient sur place, ayant le choix entre s'intégrer à la nouvelle communauté ou continuer à vivre comme ils le faisaient auparavant. Ceux qui prenaient ce parti ne recrutaient plus de nouveaux membres. Les revenus étaient partagés entre les deux communautés, jusqu'à extinction naturelle de l'ancienne.

La réforme de la vie des moines imposait une remise en état des bâtiments monastiques, afin de pouvoir mener une vie communautaire, ce qui devait être devenu difficile, si on en juge par les descriptions qui nous sont parvenues.

Dans ce qui nous reste des archives de La Chalade, il ne subsiste rien qui concerne la reconstruction de l'abbaye ; nous pouvons y suppléer partiellement en comparant les diverses descriptions de l'abbaye, qui permettent de déterminer les dates approximatives de construction [82].

Logis abbatial

- 5 mai 1679 : accord pour son transfert ;

- 1680 : démolition ;

- 1706 : reconstruction un peu à l'ouest de l'église (voir Pl. 2, fig. 1 ; Pl. 4) ;

- 1707 : réception des travaux.

Bâtiments conventuels

Cloître: en 1670, l'ancien cloître existe encore ; en 1686, le nouveau cloître n'est encore ni voûté, ni pavé, ce qui indique que les travaux du gros oeuvre sont très récents ; par la documentation concernant les démêlés des moines et de leurs abbés commendataires, nous savons que les moines ont eu la jouissance des biens contenus dans le lot chargé des réparations et de la reconstruction des bâtiments à partir de 1679 ; c'est évidemment après cette date que les travaux ont commencé. Cette déduction est confirmée par le fait que les moines acceptèrent de ne plus en jouir dès l'achèvement des travaux (accord du 27 février 1687).

Aile orientale : pas encore commencé en 1670, ce corps de bâtiment est dit tout à neuf en 1686 ; et le visiteur ajoute qu'une partie des lambris a été achevée l'année dernière. Cette remarque conforte l'idée que les travaux ont débuté après 1679. La distribution intérieure du dortoir fut modifiée et les fenêtres agrandies en 1738 [83].

Aile sud: pas encore commencée en 1670 ; en 1686, on dit que ce bâtiment est tout à neuf et n'est pas encore achevé; il l'est en 1692.

Aile occidentale : c'est elle que Dom de La Hupproye désigne, en 1692, sous l'appellation : le corps du logis du devant, qui avait été construit entre le 28 avril 1686 et le 13 novembre 1692 [84].

La première aile reconstruite fut donc celle qui regarde l'orient ; c'est elle en effet qui contenait les locaux les plus utiles pour la vie monastique : le dortoir (ou plus exactement les chambres des moines), la cuisine, le réfectoire et peut-être la salle capitulaire.

L'ABBAYE AUX XVIIe ET XVIIIe SIECLES

Après avoir vu les problèmes juridiques qui se posèrent à l'abbaye, il nous faut revenir aux divers événements en rapport direct avec la vie des moines et les bâtiments.

En 1644, le pape Innocent X permit l'érection d'un autel et d'une confrérie du Rosaire [85]. L'introduction de cette dévotion, alors en plein essor, montre que les moines de la Stricte Observance se préoccupaient de la vie religieuse des habitants de La Chalade, dont la paroisse se réunissait dans leur église et dont l'un d'eux était curé.

L'abbaye fut pillée trois fois en 1650 : en octobre, par les troupes du maréchal de Praslin ; en novembre, par celles du général Roses ; en décembre, par l'armée du maréchal de Turenne. L'année suivante fut presque aussi désastreuse, puisque l'abbaye y fut pillée deux fois en janvier, par le régiment de Corval, qui faisait partie de l'armée du général Roses, et, en novembre, par les troupes du marquis de La Ferté-Sénectère [86]. Pendant ces troubles, les religieux s'étaient réfugiés à Vienne-le-Château, tandis que les archives avaient été mises à l'abri à Châlons-sur-Marne.

Si l'on en croyait certains auteurs, ce serait pendant l'un de ces pillages que « les deux flèches qui flanquaient le grand portail furent incendiées et effondrèrent, en s'écroulant, trois travées de la nef ». Lemoine est le premier à l'affirmer [87] ; mais, si il est généralement bien informé, il lui arrive de commettre des erreurs. Dans le cas présent, le silence total des sources contemporaines sur un tel désastre et sur les travaux qui auraient dû s'ensuivre obligatoirement ne permet pas d'ajouter foi à son affirmation. En particulier, le moine qui décrivit l'abbaye et ses biens, en 1654, assure qu'on ne sait pas si la nef a jamais été achevée ou si elle a été ruinée [88]. On admettra qu'il est tout à fait invraisemblable que ce moine ignore un événement aussi important qui se serait passé quatre ans plus tôt.

D'ailleurs, en 1645, cinq ans avant la prétendue destruction, un moine anonyme décrivait déjà l'église dans sa forme actuelle. Son texte est difficile à comprendre pour nos contemporains, car il comprend l'église d'un point de vue liturgique : pour lui, la nef est la partie qui est à l'ouest du choeur des moines. Son texte est donc précieux, car c'est le premier à nous faire connaître l'étendue de ce dernier : il occupait trois travées de voûtes : la croisée du transept et les deux travées de nef [89].

De plus, comme l'a fait remarquer Hubert Collin, la présence de deux tours en façade serait tout à fait anormale chez les cisterciens [90]. On aurait une preuve incontestable de leur non-existence si le trou de cloche placé à la croisée du transept remontait bien aux origines de l'église malheureusement, dans son état actuel, il est entièrement moderne et les végétaux qui l'ornent ne ressemblent à rien d'autre dans l'édifice. Quoiqu'il en soit, on ne peut croire ni à ces deux tours, qui ne sont pas attestées anciennement, ni à l'incendie de 1650, qui ne s'est jamais produit et ceci met en cause la mention des trois travées détruites.

Des travaux d'aménagement eurent lieu vers 1686, date à laquelle Dom de La Hupproye nota que le sol de l'église venait d'être exhaussé d'environ deux pieds (une soixantaine de centimètres) et pavé de carreaux hexagonaux. Il remarqua aussi que l'église était « assez proprement ornée », ce qui signifie que son mobilier (autels, etc.) avait été rénové ou remis en état [91]. Mais des travaux de gros oeuvre restaient à faire : la première arcade de la nef du côté sud était étayée, de même que le mur du collatéral voisin. Le mur servant de façade occidentale, que Dom de La Hupproye situe au «&nsbp;septentrion », selon un usage dont on a d'autres exemples, menaçait ruine, car ses fondations étaient insuffisantes : la partie supérieure se déversait, il y avait des fissures que les moines avaient fait boucher pour éviter que la pluie n'y rentre. Ils avaient aussi fait réparer les deux contreforts de cette façade et fait édifier un contrefort provisoire pour la maintenir. Le pignon du bras sud, contigu au dortoir, était en mauvais état. Enfin la flèche qui surmontait la croisée du transept menaçait de s'écrouler, car son poinçon central était pourri [92].

En 1687, le pape Innocent XI accorda une indulgence à tous les fidèles qui visiteraient, douze fois par an, sept autels de l'église de La Chalade. Mais, comme il n'y avait pas tant d'autels dans l'église [93], les moines obtinrent du pape que cette indulgence soit appliquée à ceux qui viendraient visiter l'autel de Saint-Sébastien [94]. C'est le seul vocable d'autel que nous connaissions pour la période antérieure à la Révolution [95]. Et il n'est pas sans intérêt de remarquer que cet autel était celui de la paroisse, sur laquelle nous allons revenir.

Les religieux firent reconstruire le clocher en 1695, ayant été condamnés à le faire à la suite d'un procès intenté par leur abbé. Au lieu de la flèche très aiguë qu'avait vue le visiteur de 1670, ils firent faire une petite flèche couronnée d'un dôme (voir Pl. 19).

Parce que « deux gros piliers (c'est-à-dire deux contreforts) de l'église menaçoient ruine », les moines obtinrent du Parlement la condamnation de leur abbé en 1723. Aussi celui-ci accepta-t-il de payer les réparations l'année suivante [96]. Il s'agit probablement des piliers de la façade occidentale, qui étaient déjà en mauvais état quarante ans plus tôt. Le dessin de l'abbaye exécuté en 1768 montre que l'ensemble de la façade fut reconstruit vers cette date.

Les derniers travaux exécutés par les moines sont ceux que Dom Guyton vit en 1744 malheureusement, Il n'en précise pas l'étendue.

LA FIN DE L'ABBAYE

Comme tous les établissements religieux de France, l'abbaye de La Chalade fut supprimée par la Révolution française. La date exacte de la dispersion des moines n'est pas connue ; mais les principales étapes en sont attestées par les archives. Ils étaient encore présents dans l'abbaye le 10 février 1790, puisque, à cette date, ils faisaient déclaration des revenus de leur mense conventuelle [97]. La liquidation et la vente étaient proches. Le 21 mai, on fit, en présence du maire de La Chalade, un récolement du mobilier ; celui-ci fut enlevé le 7 octobre et vendu le 29 novembre. Les religieux demandèrent à quitter l'abbaye, pour vivre en leur particulier, le 8 novembre. Les archives furent envoyées à Bar-le-Duc, le 30 décembre [98].

Les bâtiments du couvent, avec toutes leurs dépendances, furent adjugés, le 18 avril 1791, à Jean-Marie de Parfonru, maître de verreries demeurant au Four-de-Paris [99]. Le contrat imposait un certain nombre de clauses consécutives à la mitoyenneté avec l'église, qui devenait propriété communale. La porte qui mettait en communication l'aile orientale du cloître et le bas-côté sud de l'église devait être murée des dispositions particulières devaient être prises pour accéder à l'horloge et aux charpentes. Il était interdit à l'acquéreur de détruire l'aile nord du cloître, car elle contrebutait l'église. Le directoire du district de Clermont se réservait le droit de déterminer lui-même certaines limites de propriétés ; c'est en fonction de cette clause que le préfet de la Meuse décida, le 18 octobre 1822, d'annexer à la parcelle cadastrale contenant l'église certaines parties de l'ancien clos des moines [100] (voir Pl. 3 et Pl. 8).

LA PAROISSE AVANT 1790

Le 19 germinal an 11(8 avril 1794), la municipalité fit faire un inventaire des objets encore contenus dans l'église. On y apprend qu'il y avait un autel en marbre (le maître-autel) et deux en bois [101] (il y en avait cinq en tout, en 1654), une seule cloche, servant à l'horloge publique (il y en avait quatre le 10 février 1790). On y précisait que « les bancs ne devaient pas être compris dans le présent inventaire, attendu qu'ils appartiennent aux propriétaires qui les ont fait construire à leurs frais et deniers, n'y aïant jamais eu de fabrique dans la commune de La Chalade » [102]. La mention de l'absence de fabrique explique pourquoi un moine assurait le service paroissial auprès des habitants : la paroisse n'avait pas d'existence propre, du point de vue juridique.

L'histoire de la paroisse est encore plus mal connue que celle de l'abbaye. D'après l'abbé Robinet, elle fut annexe de Boureuilles jusqu'en 1705. A cette date, elle fut érigée en cure régulière [103], c'est-à-dire desservie par un moine, que la terminologie de l'époque appelait un « régulier ». Un mémoire manuscrit rédigé vers 1771, et qui provient de l'évêché de Verdun, mentionne que, en 1723, les moines refusèrent l'entrée de l'église à Charles-François d'Hallencourt, évêque de Verdun [104]. Il s'ensuivit un conflit larvé, qui se termina par un accord en 1758, suivi d'un second vers 1771.

Tout ceci permet de reconstituer l'histoire des origines de la paroisse : les premiers moines s'étaient établis en un lieu désert de la paroisse de Boureuilles. Peu à peu, des laïcs vinrent habiter près d'eux, sur leur propriété et dans leur dépendance [105]. Leur qualité de « familiers » de l'abbaye permit aux habitants de La Chalade d'obtenir le droit d'assister aux offices des moines. La distance entre les habitations et l'église paroissiale (7 km à vol d'oiseau) les incita à obtenir que tous les actes paroissiaux leur soient accordés par les religieux. L'un de ceux-ci fut chargé de s'occuper d'eux. Et c'est ce qui explique que les moines n'aient pas reconnu l'autorité de l'évêque de Verdun

Comme nous allons le voir, les habitants avaient leurs propres offices, à l'autel Saint-Sébastien, situé dans une des chapelles du bras nord ; ils se réunissaient devant cet autel, dans le bras, son collatéral occidental et le bas-côté de la nef.

Tout ceci explique certaines particularités de l'église abbatiale de La Chalade.

MENACES ET RESTAURATIONS : XIXe ET XXe SIÈCLES

L'église de La Chalade, qui a joui d'une histoire paisible durant les derniers siècles de l'Ancien Régime, eut depuis une existence pleine d'aventures dangereuses.

Elle faillit disparaître à deux reprises au cours du XIXe siècle. La première fois, elle fut paradoxalement sauvée grâce à la pauvreté de la commune, qui ne put payer le coût de sa destruction et de la reconstruction d'une autre église. La seconde fois, elle échappa de peu à une ruine inéluctable, par la seule volonté d'un homme, son curé, l'abbé Chaput.

Au XXe siècle, son existence fut encore deux fois gravement menacée par les deux guerres mondiales qui la touchèrent durement. Mais son classement parmi les monuments historiques lui permit d'être réparée convenablement.

Voyons de plus près cette histoire mouvementée.

L'église abbatiale, devenue paroissiale en 1790, eut à souffrir du manque d'entretien qui accompagna les diverses vicissitudes de la Révolution, et ceci d'autant plus qu'elle est construite en matériaux fragiles, sensibles plus que d'autres au manque d'entretien régulier.

Les premiers travaux documentés [106] datent de 1815 et consistèrent en réparations de couvertures.

Si on en croit N. Roussel [107], l'église fut abandonnée de 1816 à 1827 et considérée comme une ruine, en conséquence de quoi elle fut livrée au pillage et au vandalisme.

L'écroulement de l'arc-boutant placé au nord de la nef, probablement en 1819, fit prendre conscience du mauvais état général et décida la commune à entreprendre d'importants travaux. Le dossier d'archives ne comporte malheureusement pas les pièces les plus explicites et il faut reconstituer l'histoire de cette période à l'aide d'allusions parfois peu claires. Un premier devis établi par Louis Magisson, architecte à Clermont-en-Argonne, s'élevait à 10 680,76 F. Il prévoyait la démolition d'une grande partie de l'église : au moins les collatéraux, les bras du transept et leurs chapelles ; les parties que l'on aurait gardées auraient été modifiées, mais nous ne savons pas de quelle façon. Pour le moins aurait-on supprimé les voûtes. A la place des parties détruites, on envisageait de construire un presbytère et une mairie. Le conseil municipal, l'architecte et le préfet auraient préféré raser l'église et la remplacer par une autre plus au goût du jour; mais la pauvreté de la commune ne permettait pas d'envisager de telles dépenses

L'impécuniosité municipale était telle qu'elle interdisait de réaliser ce devis, même avec la subvention du ministère des Cultes. C'est pourquoi il fut modifié, au moins trois fois, pour en abaisser le coût. Le 5 août 1821, le même Magisson, avec l'aide de Jean Drouet, maître-charpentier au Neufour, présentèrent une modification abaissant l'estimation à 9 880,70 F.

Mais c'était encore trop cher, et un projet fut établi par les sieurs Drouet et Mauchaussée : conservait tout le transept et ne coûtait que 7 616F.

Finalement, c'est un devis de Cauyette, architecte à Verdun, qui fut soumissionné le 2 juillet 1826, pour la somme de 7 325 F. Les paiements furent effectués en 1826 et 1827. Ce devis est perdu et nous ne connaissons les travaux que par des pièces qui le citent, et par des témoignages postérieurs.

Le collatéral nord fut détruit, « à la poudre » [108], les arcades de la nef fermées par des murs, dans lesquels on ouvrit des baies en plein-cintre [109]. De maigres contreforts furent élevés, pour contrebuter les poussées des voûtes. Le clocher (voir Pl. 19), qui était auparavant au-dessus de la croisée du transept et qui était surmonté d'un dôme [110], fut démoli et remplacé par un autre qui fut posé sur la façade principale. Les toitures furent modifiées : on changea leur pente, pour pouvoir y mettre des tuiles courbes, en lieu et place de tuiles plates vernissées, « qui dessinaient de grands compartiments de couleurs variées » [111].

Parallèlement à ces travaux, eurent lieu de longues discussions entre la fabrique et les héritiers de Jean-Marie Bigault de Parfonrut, qui avait acquis les bâtiments monastiques le 18 avril 1791. En effet il y avait quelques imprécisions dans les limites des propriétés. Ainsi l'horloge communale se trouvait sur le toit des propriétaires de l'abbaye ; mais ceux-ci utilisaient une cave placée sous l'escalier qui conduisait autrefois du dortoir des moines vers l'église ; et cet escalier était construit à l'intérieur du bras sud du transept. Par son arrêté du 18 octobre 1822, le préfet, s'appuyant sur une clause de l'acte de vente du 18 avril 1791, trancha tous les problèmes ; il en profita pour accorder à la commune une bande de terre large de cinq mètres tout autour du chevet, ainsi qu'un accès au portail du bras nord.

Cette affaire provoqua un échange de correspondances avec la famille de Granrut, qui eut pour conséquence heureuse l'établissement de deux plans (Pl. 3 et Pl. 8), dont un très détaillé [112], établi en 1822, qui est le plus ancien plan connu de l'église et des bâtiments conventuels et abbatiaux. Il précise l'utilisation des bâtiments aux derniers temps des moines et nous fait connaître des constructions disparues depuis lors.

Des réparations eurent lieu en 1842, sur un devis établi par Marmottin, qui est probablement l'architecte de La Neuville-au-Pont ; mais son contenu nous échappe.

L'état de l'église continuait à donner des inquiétudes ; et la commune n'avait ni les moyens, ni la volonté d'entreprendre les travaux indispensables. Nicolas-Joseph Dodo, curé desservant de La Chalade, crut trouver un moyen de les faire entreprendre en demandant le classement parmi les monuments historiques (lettre du 24 octobre 1843). Le préfet demanda un rapport au sous-préfet de Verdun. Celui-ci vint sur place et jugea que les travaux de 1826 et I 827 avaient tellement défiguré l'édifice qu'il ne méritait plus le classement. Et le dossier fut enterré [113].

La Chalade n'avait pas eu de curé résidant depuis 1810 jusqu'à 1840. Puis cinq prêtres se succédèrent en dix ans. Cette rotation rapide des desservants laisse supposer que la paroisse n'était pas parmi les meilleures du diocèse de Verdun, ou qu'il s'y posait de graves problèmes.

Mais, en 1851, arriva l'abbé Victor Chaput, qui resta jusque 1881 et décida de sauver son église. En effet, le gothique étant revenu à la mode, on percevait à nouveau la beauté de ces grands édifices, que l'on cherchait partout à conserver pour les générations futures.

Le curé désirait une remise en état qui fût complète : la façade occidentale menaçait ruine ; les contreforts établis en 1827 à l'emplacement du bas-côté nord de la nef étaient trop minces et le mur se déversait, tandis que les voûtes s'ouvraient ; les toitures étaient en mauvais état l'église souffrait de l'humidité ; le mobilier liturgique était inexistant ou dans un état de dégradation insupportable. Il était urgent d'agir.

Dès l'année de son arrivée, il obtint de son évêque l'autorisation de déblayer les terres autour de l'abside, pour assainir le monument. La profonde tranchée (qu'il creusa en partie de ses bras) montra l'utilité de la bande de terrain large de cinq mètres attribuée par la décision préfectorale de I 826. Cette tranchée entraîna des discussions avec le service des Ponts et Chaussées, lorsque le chemin de grande communication n° 22 fut déplacé. L'agent voyer principal dut, à son corps défendant, modifier légèrement le tracé du chemin qu'il projetait (1856), et qui devait frôler les contreforts, pour le faire passer au-delà de cette fameuse bande de cinq mètres transformée en fossé. Cette querelle a permis la conservation de plans montrant les différents tracés de la route, l'ancien et le nouveau [114] (Pl. 4).

En 1853, le curé tenta d'obtenir le classement de son église, ce qui entraîna la rédaction de plusieurs descriptions de l'édifice. Cette protection fut finalement accordée, mais seulement en 1862, et malgré un rapport de l'architecte Boeswilwald, daté du 15 décembre 1860, qui concluait que l'église ne méritait pas le classement, car elle était construite avec de trop mauvais matériaux.

L'évolution rapide de l'état de l'église ne permit pas d'attendre la décision de l'administration : l'écroulement d'une voûte du collatéral sud de la nef, le 24 avril 1853, entraîna des travaux de reconstruction en 1854 [115].

L'abbé Chaput décida alors d'assainir son église (devis du 22 novembre 1853, adjugé au sieur Raulet), en abaissant le sol extérieur de 50 cm et on établissant un système d'écoulement des eaux jusqu'à la Biesme. Il fallut, évidemment, faire des reprises dans les parties basses des murs et des contreforts ainsi dégagés. Le sol intérieur fut lui aussi abaissé de 40 cm, ce qui entraîna la restauration de douze bases de piles, la réfection du pavage et la remise en état du maître-autel. Les murs intérieurs furent débadigeonnés et les toitures réparées.

L'abbé Chaput décida alors de lancer une grande campagne de restauration, dans le but de sauver son église d'une ruine totale. Connaissant sans doute le proverbe « Aide-toi et le ciel t'aidera », il donna de sa personne et entreprit cette oeuvre de façon assez peu orthodoxe.

Il avança à la commune l'argent des travaux et se fit rembourser sur plusieurs années, en fonction des possibilités de prélèvement fiscal sur les habitants. Il ne percevait évidemment pas d'intérêts.

De plus, il soumissionna certains travaux, comme si il était entrepreneur, et les fit exécuter par des artisans compétents, sans prélever le bénéfice qu'un véritable entrepreneur aurait perçu.

Enfin il travailla de ses mains J'étais le premier au travail et au danger, car souvent il y avait danger, écrira-t-il en 1865. De plus, il semble bien avoir fait lui-même les restaurations et copies de vitraux.

Par contre, il est vraisemblable que, emporté par sa fougue, le curé n'ait pas toujours attendu que tous les papiers officiels soient en règle, se contentant parfois d'accords verbaux. Il y eut aussi des problèmes dans les remboursements. D'où des difficultés avec le maire, qui semble avoir eu une bonne dose de mauvaise foi, même si il est probable que le curé ait certainement considéré qu'il avait tous les droits pour lui, et qu'il ait forcé la main du maire.

La remise en état de l'église commença par la reconstruction des parties détruites en l826-1827 c'est ainsi que fut restitué, en 1891, le collatéral nord, sur ses fondations anciennes [116] ; les arcades de la nef, qui avaient été simplement bouchées, furent rouvertes [117] (Pl. 5 ; voir aussi les plans : Pl. 2 et 4).

Ces travaux ébranlèrent-ils l'édifice devenu très fragile ? C'est possible, puisque les voûtes hautes de la nef s'effondrèrent le 27 mars 1861 ; bientôt suivies, le 15 avril 1861, par la partie supérieure de la façade occidentale, bien qu'elle ait été étayée en septembre 1860. Le reste de cette façade fut abattu en juin I 861. Le devis pour son remplacement par une nouvelle façade fut établi, le 2 décembre 1861, par Demoget, architecte à Bar-le-Duc [118]. Elle fut édifiée en 1862 [119] ; on y inséra une rose provenant de l'ancienne abbaye de Saint-Vanne de Verdun [120]. En même temps, les voûtes furent reconstruites et la colonne sud de la nef reprise en sous-oeuvre, avec son chapiteau et les arcs reposant sur elle [121].

Comme nous venons de le dire, dans la façade nouvelle, fut intégrée la rose provenant de l'ancienne abbaye Saint-Vanne de Verdun, que l'armée démolissait. L'histoire de cette rose n'est pas banale : d'abord destinée à la cathédrale de Verdun, elle avait été entreposée dans son cloître ; mais elle ne fut pas utilisée, car on changea d'avis. l'abbé Chaput vint alors la chercher pour l'intégrer dans la nouvelle façade de son église [122]. Malheureusement, l'encadrement avait déjà été utilisé comme pierre à bâtir [123].

On ne reconstruisit pas le portail néo-classique, mais on le remplaça par un autre, inspiré d'assez loin par celui du bras nord. Le clocher, placé sur la façade, fut évidemment démonté. Il ne fut pas reconstruit, car on prévoyait de le refaire à son emplacement d'origine, c'est-à-dire sur la croisée du transept.

Mais il y eut un temps d'arrêt, imposé par les relations conflictuelles entre le curé et le maire. L'accord qui y mit fin imposa un frein aux ambitions de l'abbé Chaput ; car il est vraisemblable que la commune ne pouvait ou ne voulait plus s'imposer davantage pour terminer le programme de restaurations.

Il est vrai que les travaux de sauvegarde avaient été réalisés. Il fallut cependant faire encore quelques dépenses indispensables pour que l'église puisse servir au culte. Ils se limitèrent à la réfection des vitraux anciens et à la confection de verrières neuves. Mais d'autres projets, dont le clocher faisait partie, furent remis sine die.

Un vitrail à personnages avait été placé dans la fenêtre d'axe, en 1854. Il avait été offert par le curé, aidé par la fabrique. Tous les autres furent faits ou restaurés en 1864 et 1867.

Le classement, survenu en 1862, ne changea rien à la façon de procéder de l'entreprenant curé : il semble n'avoir cherché ni aide, ni conseil auprès des Beaux-Arts ; et ceux-ci ne paraissent pas avoir tenté d'intervenir d'une façon ou d'une autre. C'est pourquoi on ne trouve nulle trace d'une activité quelconque de leur part dans les dossiers des archives départementales [124]. Et les archives du Patrimoine sont vierges de tout document pour toute cette période.

En 1865, le conseil de fabrique fit établir un procès-verbal de visite du collatéral sud de la nef par Charles Demoget, architecte à Bar-le-Duc, duquel il résultait que les désordres constatés de ce côté étaient dus au mauvais état de la galerie du cloître qui le longeait (Pl. 6). En effet les contreforts avaient été coupés au moment de la construction de cette galerie et reposaient désormais sur ses voûtes. Sa stabilité était donc désormais liée à la leur. Or la galerie n'était plus entretenue et les voûtes avaient bougé, entraînant avec elles les contreforts ; elles menaçaient de tomber, ce qui aurait provoqué l'effondrement d'une partie de la nef.

Charles Demoget avait également visité l'ancien chartrier ; il avait découvert que ses propriétaires avaient démoli ses deux niveaux de voûtes, pour le transformer en écurie ; cette destruction avait affaibli les voûtes de l'église. Quant aux eaux sales qui croupissaient près du fumier, elles passaient à travers les murs, en mauvais état, et pénétraient dans l'église.

Il concluait que le propriétaire du cloître devait y faire des travaux confortatifs, rempiéter le mur du collatéral sud de l'église et rétablir certaines parties détruites des contreforts. Aucun document d'archive ne fait connaître la suite qui fut donnée à cette visite. Mais l'examen des cartes postales anciennes représentant la façade occidentale de l'église vers 1900 permet de deviner ce qui fut fait: ce qui restait de l'aile nord du cloître fut abattu et remplacé par une petite construction sans caractère et les contreforts furent réparés. L'absence de toute autre pièce d'archive contenant des récriminations à l'encontre du propriétaire permet de penser que les travaux durent être exécutés peu de temps après 1865.

Vers le même temps, le collatéral sud fut restauré.

Le programme de remise en état du gros oeuvre de l'édifice que l'abbé Chaput s'était fixé était alors terminé, à l'exception de la reconstruction du clocher sur la croisée du transept. Le curé finit par admettre qu'il ne parviendrait pas à le refaire, puisque, en 1874, un nouveau beffroi fut installé.

Des travaux concernant la charpente et la toiture furent faits en 1878, puis en 1894. On refit alors la corniche de la chapelle sud, on pava l'extérieur de l'édifice, et on opéra des reprises dans les contreforts.

Le village de Lachalade se trouva dans la zone de feu de 1914 à 1918, dans les premières lignes françaises, et l'église reçut de nombreux obus deux voûtes de la nef et du choeur s'effondrèrent les couvertures, criblées d'éclats, laissèrent passer l'eau des pluies et la charpente commença à pourrir. Tout ceci est connu par un rapport de l'architecte André Ventre, qui eut à restaurer la cathédrale de Verdun et les autres monuments historiques de la Meuse touchés par la Grande Guerre.

Dès 1919, l'église fut déblayée et une couverture provisoire fut posée à la fin de l'année, furent remises en état les charpentes et les couvertures du choeur et du transept. Celles de la nef et des collatéraux le furent en 1921. Mais, dès 1920, la voûte du bas-côté nord avait pu être réparée et cette partie de l'édifice avait été rendue au culte. En 1925, on travailla sur les entablements, les contreforts et les fenêtres du choeur. L'année suivante, l'architecte fit reprendre en urgence le pilier sud du choeur qui s'écrasait ; il fit refaire la voûte du choeur et réparer ses murs, ainsi que ceux du transept et des chapelles. En 1928, les voûtes de la nef et du bas-côté sud furent restaurées les restes des verrières anciennes furent réparés et déplacés, et de nouveaux vitraux, en verre blanc, furent posés.

En 1929, on installa des chéneaux en béton armé. L'année suivante, il fallut reprendre les piliers et les voûtes du bas-côté nord et on entreprit la restauration de la rose occidentale ; elle ne fut achevée qu'en 1932 et ne reçut ses verres qu'en 1934. Le dallage du choeur fut établi en 1933.

Malgré tous ces travaux, l'église ne paraissait toujours pas en bon état et, en 1936, il fallut reprendre les charpentes, les couvertures et les chéneaux, réparer les maçonneries de la façade principale. Deux ans plus tard, on travailla sur les extérieurs du côté sud : l'arc-boutant, le mur de la nef et celui du bras du transept. En même temps, on posait un nouveau maître-autel, la table de communion et les menuiseries des portes. La restauration pouvait alors être considérée comme achevée.

Ce ne fut que pour peu de temps, car l'église fut sérieusement endommagée en juin 1940 : les deux voûtes de la nef s'effondrèrent, et les charpentes et les couvertures furent en grande partie anéanties. Une couverture provisoire fut établie avant l'hiver. Elle ne suffit pas à protéger l'édifice, puisque le pignon de la façade occidentale s'écroula à son tour.

L'architecte André Ventre était toujours responsable de la restauration en 1941, il fit réparer les deux murs de la nef, l'arc-boutant nord, et toutes les charpentes et les couvertures.

L'architecte Paul Pillet, qui avait succédé à Ventre, fit refaire le mur ouest de la nef en 1943, la charpente et les couvertures en 1948, les vitraux en 1951. Cette même année, il fit réparer les voûtes du bras sud et des chapelles voisines. Les voûtes de la nef furent reconstruites en 1955. Enfin la restauration s'acheva de 1961 à 1968, après une intervention de Louis Jacquinot, ministre des Départements d'Outre-Mer [125], auprès d'André Malraux, ministre de la Culture.

UNE ABBAYE ENCORE ENTIÈRE

L'ÉGLISE GOTHIQUE

Le plan

Saint Bernard, abbé de Clairvaux, qui donna à l'ordre cistercien une expansion prodigieuse, à tel point qu'il en est parfois considéré comme le véritable fondateur, voulait que les églises de ses abbayes soient modestes : pas de tours élevées, pas de décor sculpté somptueux, pas de fantaisies inutiles. L'église de La Chalade, bien que construite à une date déjà éloignée de la mort du saint, fut élevée selon son désir. Mais, comme dans beaucoup d'abbayes cisterciennes, cette modestie n'interdit pas la grande qualité des lignes architecturales.

Elle est bâtie selon le plan traditionnel des premières églises cisterciennes, appelé parfois « bernardin », car il fut surtout utilisé du vivant de saint Bernard (PI. 7). Il y a cependant deux différences, à vrai dire mineures, par rapport à la volonté de simplicité. La principale tient à la forme du chevet, qui est polygonal et non rectangulaire comme il l'était dans les édifices du XIIe siècle ; et ceci a permis de transformer le sanctuaire en une couronne de lumière, dont l'intention théologique est évidente. C'est le Christ qui est la vraie lumière et l'autel, où il prend corps à chaque messe, est l'endroit le mieux éclairé de l'église.

Une seconde différence consiste dans le fait que les chapelles qui ouvrent sur les bras du transept n'étaient séparées que par des murs incomplets. Ce parti architectural rare est probablement lié au traitement de la lumière à l'intérieur de l'édifice, qui en est baigné. C'est encore une idée théologique qui justifie ce choix : la lumière, qui symbolise le Christ, baigne largement toute l'église de pierre, qui représente l'Église.

La Chalade a donc un plan en forme de croix latine. Le choeur est peu profond: il est constitué d'une abside à cinq pans et d'une travée droite. La nef est accompagnée de bas-côtés. A l'est du transept, s'ouvrent des chapelles rectangulaires qui, aujourd'hui, ne sont pas séparées les unes des autres (elles l'étaient partiellement à l'origine). Il y a un collatéral à l'ouest du bras nord, alors qu'il n'y en a pas à l'ouest de l'autre bras.

Cette dissymétrie des deux bras du transept s'explique par une raison liturgique : le bras nord servait d'église paroissiale.

Les archéologues se préoccupent trop peu de l'utilisation des églises ; c'est pourtant elle qui, à l'évidence, conditionne bien des aspects du plan et de l'architecture des édifices religieux.

Le droit canon interdisait aux moines bénédictins (et les cisterciens suivent la règle de saint Benoît) d'assurer le service paroissial [126]. Mais il arrivait qu'une église serve à la fois au culte paroissial et pour les cérémonies cérémonies d'une communauté monastique, pour toutes sortes de raisons (historiques, économiques, féodales, etc.). Il y avait alors obligatoirement un partage de l'édifice : les religieux se réservaient toujours le choeur, avec le maître-autel, et laissaient aux paroissiens un autel particulier, situé souvent à l'entrée de la nef ou dans un bras du transept. Souvent, on jugea plus commode de diviser matériellement l'église en deux parties, grâce à la construction d'un mur [127].

Ce ne fut pas le cas à La Chalade, où la paroisse n'obtint jamais son autonomie complète vis-à-vis des moines. L'église ne fut pas sectionnée. Mais, les religieux ayant conservé le choeur, les paroissiens furent installés dans le bras nord et dans le collatéral de la nef [128]. Leur autel était sous le vocable de saint Sébastien [129]. Le nombre des habitants [130] explique qu'il ait fallu construire, dès l'origine de l'église actuelle, un collatéral à l'ouest de ce bras, alors qu'un symétrique ne s'imposait pas au sud.

Une porte fut percée dans le bras nord, afin que les paroissiens puissent accéder facilement à la partie de l'édifice qui leur était réservée.

Cette partition explique le sacrifice de ce collatéral en 1826, qui fut plus symbolique que réellement efficace pour diminuer le coût des restaurations : il s'agissait d'effacer du monument, et de la mémoire collective, le souvenir du temps où les paroissiens étaient réduits à la portion congrue dans l'église des moines. Bien des destructions et des transformations d'églises au début du XIXe siècle n'ont pas d'autre raison.

L'église est incomplète : la nef n'a que deux travées, alors qu'elle était prévue pour en avoir davantage. On ne sait pas si elle n'a jamais été achevée ou si elle a perdu les parties occidentales de sa nef.

On sait seulement qu'elle était déjà ainsi au XVIIe siècle [131].

L'espace situé à l'ouest de la nef actuelle est occupé par le cimetière. Il avait déjà cet usage en 1682 [132] et recevait alors aussi bien les moines que les habitants de La Chalade [133]. Sur le plan qui donne l'état des bâtiments en 1822 (Pl. 8), le cimetière a sa forme actuelle et apparaît englobé dans les possessions monastiques, comme si il en avait autrefois fait partie. Et il est limité à l'ouest par un mur qui prolonge l'ancien mur du bâtiment occidental de l'abbaye. Il y a à ceci une explication simple, car il était fréquent que la façade des bâtiments conventuels soit bâtie dans le prolongement de celle de l'église. Or cet espace situé entre la nef actuelle et le mur occidental du cimetière se divise exactement en cinq travées de dimensions égales à celles des deux travées qui existent de nos jours. La nef aurait donc eu sept travées (Pl. 9). Et, certes, de telles proportions correspondent mieux à celles qui se trouvent habituellement dans les églises cisterciennes des XIIe et XIIIe siècles [134].

Cette hypothèse ne permet d'ailleurs pas de savoir si la nef gothique a été achevée : car il est possible qu'on ait voulu lui donner la même longueur qu'à la nef romane.

Quoiqu'il en soit de l'achèvement de la nef gothique, il faut remarquer que la partie existante est celle qui était la plus utile aux moines. En effet, comme cela était fréquent pour les églises dont le chevet [135] est court, leur choeur occupait la croisée du transept et les deux dernières travées de la nef.

Le plan utilisé à La Chalade (chevet polygonal et transept avec des chapelles rectangulaires) n'est pas unique dans l'ordre cistercien : dans les deux volumes de plans d'églises publiés par le père Anselme Dimier [136], on rencontre une trentaine d'autres cas, dans toute l'Europe occidentale. Les églises où on l'a utilisé ont été construites aux XIIIe et XIVe siècles, si l'on en croit les indications chronologiques données par le père Dimier [137]. L'une d'elles était très proche géographiquement : à Lisle-en-Barrois (Meuse), abbaye aujourd'hui disparue [138].

Il faut encore ajouter que ce plan a été utilisé régionalement pour des églises n'appartenant pas à l'ordre cistercien : celle de l'abbaye bénédictine de Saint-Mihiel (fin du XIIe siècle), celle de Notre-Dame de Bar-le-Duc, qui abritait un prieuré dépendant de Saint-Mihiel et une paroisse (vers 1200), et celle de Rembercourt-aux-Pots (XVe siècle), dans la Meuse.

Les matériaux

Les murs de l'abbatiale sont construits avec deux types de matériaux de la pierre et de la brique. Celle-ci n'avait pas été utilisée par les constructeurs médiévaux de la région. Dans le cas présent, elle a été utilisée par différents restaurateurs, dont l'abbé Chaput ne fut ni le seul - ainsi que l'a cru Henri Jadart [139] -, ni le premier. Il semble en effet qu'une partie importante est plus ancienne, et date vraisemblablement du XVIIIe siècle.

La pierre est un matériau local appelé « gaize ». C'est un calcaire contenant un fort pourcentage d'argile. Il est d'assez mauvaise qualité : friable, gélif, résistant mal aux intempéries... et à la pollution du XXe siècle. Il avait l'avantage d'être extrait sur place, et donc de coûter moins cher que des pierres plus solides, mais qu'il fallait faire venir de loin.

Les parements extérieurs ont été fortement restaurés par l'abbé Chaput, mais pas dans leur totalité, comme on l'a parfois affirmé : un certain nombre de pierres portent encore des signes lapidaires et deux d'entre elles ont des inscriptions anciennes. Les pierres modernes sont souvent difficiles à distinguer des autres : en effet, elles sont taillées dans le même matériau et leur vieillissement rapide leur a parfois donné un aspect proche des blocs en place depuis le Moyen Age.

Les signes lapidaires qui se trouvent tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'édifice ont été étudiés par Michelle Steger [140]. L'étude attentive des parements, le relevé soigneux des signes lapidaires sont trop peu souvent réalisés. Aussi est-il nécessaire de souligner l'intérêt de cette étude. Je me permettrai cependant de ne pas être d'accord avec certaines conclusions de cet auteur : il ne me paraît pas établi que ces marques indiquent des pierres utilisées pour des réparations et provenant « des bâtiments primitifs de l'abbaye ». Ces pierres ne sont pas en position de reprises dans l'appareil des murs ; bien au contraire, elles ne se distinguent pas de leurs voisines. Une restauration qui aurait exigé tant de pierres correspondrait à une reconstruction quasi complète de certaines parties de l'édifice, ce que rien dans le monument, ni dans la documentation écrite ne permet d'affirmer.

Si il était avéré que les signes employés ici ne se trouvent qu'au XIIe siècle, il faudrait plutôt y voir des réemplois de matériaux provenant de l'édifice que remplaça l'église actuelle.

Mais je ne suis pas persuadé que ces signes soient caractéristiques du XIIe siècle. Tous peuvent se rencontrer plus tard et il me paraît bien plus probable qu'ils ont été gravés au temps de la construction de l'église actuelle.

Un mot sur les toitures, pour rappeler qu'elles n'ont plus aucun rapport avec ce qu'elles étaient à l'origine, ayant été modifiées à deux reprises au XIXe siècle. Quant aux charpentes, dans leur état actuel, elles datent du XXe siècle.

Le chevet

L'abside est construite sur cinq pans d'un octogone. Elle est précédée d'une travée droite (Pl. 10, Pl. 11, Pl. 12, Pl. 13, Pl. 14, et Pl.24).

Les ogives sont moulurées d'un tore en amande, dont l'arête est remplacée par un petit méplat et qui est accompagnée de deux tores.

Les formerets sont formés d'un tore en amande.

Le doubleau a reçu une mouluration identique à celle des ogives, ce qui n'a rien pour surprendre à l'époque où l'église fut construite. Il y a là une recherche esthétique qui avait pour but d'accentuer l'unité du volume intérieur de l'édifice. La clé de voûte de l'abside est ornée d'un agneau placé au milieu de feuillages taillés dans le goût du XIVe siècle. Des feuillages, formant deux couronnes concentriques, décorent la clé de la voûte de la travée du sanctuaire ; bien qu'annonçant déjà le style flamboyant par leurs ondulations et leurs découpes, ils sont parsemés de petites fleurs dans le genre de ce qu'on faisait au X1Ve siècle.

Les chapiteaux placés sous les retombées des voûtes (Pl. 13, fig. 1) sont couverts de feuillages qui, eux aussi, sont dans le goût du XIVe siècle. Ils sont disposés de façon très variée, comme si le sculpteur avait voulu faire ainsi la preuve de son talent et de sa virtuosité. Les tailloirs, très minces, sont du type dit « à becs ».

Les supports sont constitués de trois colonnettes, séparées par des cavets ; la pile placée entre l'abside et sa travée n'est pas différente des autres; il a donc fallu « tasser » les cinq retombées des voûtes au-dessus des chapiteaux, afin que le formeret et l'ogive soient reçus par le même chapiteau. Cette uniformité des piles et celle des moulures des nervures de la voûte donne une grande unité à cette partie de l'église, qui est perçue comme un seul volume, malgré la différence de traitement des murs.

Les bases paraissent avoir été toutes refaites au XIXe siècle ; elles sont constituées, selon le modèle classique du XIXe siècle, de deux tores sans scotie; le petit tore supérieur est déprimé.

Chacun des pans de l'abside est ajouré d'une fenêtre qui occupe tout l'espace disponible entre les retombées des voûtes. à l'intérieur, et entre les contreforts, à l'extérieur. Elles sont toutes bâties sur le même modèle : l'arc d'ouverture est très aigu ; il est divisé en deux par un meneau qui porte deux arcs trilobés brisés. Le tympan est occupé par un trilobe de grandes dimensions. A la base des fenêtres court un bandeau. Ces baies donnent au chevet de l'église abbatiale de La Chalade un aspect caractéristique et un abondant éclairage, qui compense l'absence totale d'ouverture dans la travée droite du choeur.

Cette travée s'ouvre aujourd'hui vers les chapelles du transept, par des arcs dissymétriques qui sont bien postérieurs à la construction primitive [141].

Au nord, c'est un enfeu dont le mur de fond a été défoncé : son ouverture vers le choeur est encadrée d'une moulure du XIXe siècle ; mais ses chapiteaux et ses bases ont été refaits au XXe siècle ; le soubassement de cet enfeu subsiste et on y a posé un gisant, à une date très récente. Ce fut une excellente idée ; car la fonction et la date de l'enfeu concordent avec celles du gisant.

L'ouverture qui met en communication le choeur avec la chapelle du bras sud est un simple arc brisé, sans décor. Toutes ses pierres datent du XXe siècle.

Dans la première travée sud de l'abside, se trouvent une armoire et une piscine (Pl. 14). L'armoire est un simple vide rectangulaire, autrefois fermé par une porte. Ce vide est surmonté de deux linteaux superposés, décorés d'un arc brisé à redents, en faible relief.

Cette armoire est antérieure à la piscine, puisque son piédroit ouest a été refait quand celle-ci fut mise en place.

La piscine est en plein cintre et ornée d'un tore en amande reposant sur des colonnettes, par l'intermédiaire de chapiteaux à feuillages. Ceux-ci, de même que les bases des colonnettes, sont dans le goût du XIVe siècle. Sa partie supérieure était décorée d'un réseau dont il ne reste que des départs de trois lobes.

La nef

La nef (PI. 15) et le transept ont reçu la même élévation à deux étages, c'est-à-dire sans triforium. Les grandes arcades qui percent le mur à sa base reposent sur de simples colonnes ce type de supports, assez peu usité dans le royaume de France [142] entre le début du XIIIe siècle et le XVe siècle, est fréquent en Lorraine, comme dans le nord de l'Europe et dans toutes les régions où s'est développé l'art dit habituellement « anti-chartrain » et qu'on appellerait plus justement « para-chartrain ». On pourrait citer de nombreux édifices du XIIIe siècle en Lorraine : Gorze, Metz (cathédrale, Saint-Martin), Waville, Zetting... Pour le XIVe siècle, les exemples sont moins nombreux (Notre-Dame à Bar-le-Duc, Bonnet...), mais c'est surtout parce qu'on a peu construit d'églises pendant cette période. Par contre les édifices de style flamboyant dotés de colonnes sont légion ; on a pu même dire, à juste titre, qu'elles sont une des caractéristiques de cet art.

Ce type de supports a l'intérêt d'être simple et donc moins coûteux que d'autres. Il amplifie le volume du vaisseau central en lui intégrant ceux des collatéraux. Cette volonté de laisser circuler librement l'air et la lumière, sans créer de zones fortement contrastées comme le feraient des piliers composés, se trouve dans un tout petit nombre d'édifices du milieu du XIIIe siècle (cathédrale de Châlons-sur-Marne). Elle deviendra une caractéristique de l'art flamboyant.

Ces colonnes sont couronnées de chapiteaux à feuillages, disposés sur un seul rang. Marcel Aubert et la marquise de Maillé y ont identifié de la chicorée frisée, des nénuphars, des branchettes de chêne et des pampres de vigne [143] : toutes feuilles très découpées, se prêtant à des jeux d'ombres et de lumière. Ils sont surmontés de tailloirs octogonaux, moulurés d'un bandeau surmontant un talon.

Les grandes arcades ont deux rouleaux en arc brisé et leur mouluration est très simple, puisqu'on s'est contenté d'abattre leurs angles. La simplicité de cette mouluration devait plaire à des esprits cisterciens. Mais on la rencontre ailleurs, par exemple à Ligny-en-Barrois et à Bonnet (doubleaux du bras nord), pour ne citer que deux exemples barrois, dont la date n'est pas éloignée de celle de La Chalade.

Il est curieux de constater que l'arc supérieur est partout mal extradossé, ce qui est peu courant au Moyen Age.

Entre ces arcades et les fenêtres hautes se trouve un espace mural assez important. A quatre endroits, il est percé d'une ouverture en forme de porte, dont le linteau repose sur des corbeaux moulurés. Ces ouvertures communiquent avec les combles des collatéraux ou des chapelles, selon le cas. Elles se trouvent toujours près d'une pile de la croisée : trois sont dans le transept et une dans la nef, dans la seconde travée du côté sud.

Une moulure coupe toute la largeur du mur à la base des fenêtres hautes.

Ces fenêtres (Pl. 16) sont relativement étroites : il y a un espace à peu près identique à leur largeur entre chacune d'elles et les retombées des voûtes. Elles reprennent le schéma de celles de l'abside, mais en y apportant plusieurs modifications : elles ont des dimensions plus petites et un arc d'encadrement moins aigu, ce qui les prive de la monumentalité de celles du chevet ; les trilobes supérieurs ont des proportions moindres que leurs homologues du choeur de plus, tous les arcs des réseaux sont brisés.

Pour les nervures des voûtes, on a utilisé les mêmes profils que pour les autres voûtes hautes. Elles reposent sur trois colonnettes, de sorte que les formerets se fondent dans les ogives un peu au-dessus des chapiteaux. Cette technique a pour but de diminuer le volume des piles et donc de minimiser la distinction entre les travées, au moins visuellement. Ici encore, on sent la volonté d'unifier le volume intérieur de l'église.

Les colonnettes descendent jusqu'aux chapiteaux des colonnes ; il est à noter qu'elles n'ont pas de base moulurée, mais reposent directement sur les tailloirs des colonnes inférieures.

A l'extérieur, des arcs-boutants sont placés pour contrebuter les poussées des voûtes du transept et de la nef. Ils sont très simples, constitués chacun d'un arc surmonté d'un chaperon. Chaque tête est portée par un petit pilastre engagé, dont les angles sont abattus. Les culées sont surmontées de toitures en bâtière dotées d'une forte pente.

Le transept

Comme nous l'avons dit, l'élévation de la nef se poursuit dans le transept (Pl. 16, Pl. 17, et Pl. 18). Les dispositions architecturales propres à un transept ont cependant imposé quelques particularités qui ne se rencontrent pas dans la nef.

Les piles de la croisée sont des colonnes cylindriques, un peu plus fortes que celles de la nef et des bras du transept, surmontées de minces chapiteaux ornés de feuillages posés en petites touffes. Leurs tailloirs sont octogonaux, avec de petits « becs » sous les arcs des bas-côtés. L'utilisation, pour les piles de la croisée du transept, de supports dont le plan, sinon le volume, est identique à ceux de la nef et du transept, accentue l'unité de l'édifice. Il s'agit d'un parti assez rare : généralement, on préférait renforcer les piles de la croisée, en leur donnant un plan et un volume différents de ceux des autres supports. L'église de Bonnet (Meuse) présente la même particularité que La Chalade.

Les piles engagées à la rencontre des murs nord et sud du transept ne sont pas des demi-colonnes, comme on s'y attendrait, mais des pilastres à pans coupés (ou portions de piles octogonales), accostés de deux colonnettes engagées. Chaque pilastre reçoit les deux rouleaux des arcades, tandis que les colonnettes portent les ogives. Le chapiteau à feuillages forme frise sur le pilastre et la colonnette tournée vers le bas-côté.

La mouluration des nervures des voûtes du transept ne présente pas de différence avec celle qui a été utilisée pour le reste de l'édifice, à ceci près que les quatre arcs doubleaux de la croisée sont les seuls des voûtes hautes de l'édifice qui ne soient pas identiques aux ogives, dont ils diffèrent à la fois par leur mouluration et par leur volume. Ils sont beaucoup plus larges que tous les autres, ce que leur fonction justifie : le gros boudin aplati qui compose chacun d'eux est doté d'un méplat sur sa face inférieure, et il est accompagné de deux tores plus petits, mais eux aussi munis de méplats. On rencontre des moulurations semblables dans les chapelles rayonnantes de la cathédrale de Châlons-sur-Marne, à la fin du XIIIe siècle.

Les chapiteaux sont couverts de feuillages. On remarquera particulièrement celui de l'angle nord-est du bras nord, qui est proche de ceux du revers de la façade occidentale de la cathédrale de Reims (Pl. 13, fig. 2).

La clé de voûte de la croisée est remplacée par un trou de cloche, décoré de rinceaux de vignes d'une facture moderne. C'est en effet au centre de la croisée que s'élevait le clocher charpenté dit « des michettes » [144]. Il fut édifié à une date inconnue, vraisemblablement dès la construction de l'église, et remplacé - ou modifié - en 1695, et détruit en 1826. On le remplaça alors par un autre qui fut placé sur la façade occidentale.

Les clés de voûte des bras sont ornées de feuillages. Il est curieux de constater que toutes ces clés sont différentes les unes des autres dans leur conception et leur décoration, sans qu'il soit possible de déterminer quelle part les différents restaurateurs des XIXe et XXe siècles ont dans cette diversité.

L'extrémité du bras nord est percée d'une porte en arc brisé ; la mouluration de l'arcade se poursuit sans interruption sur les piédroits, sans être interrompue par des chapiteaux ou des impostes.

Au-dessus de cette entrée, est percée une grande baie, la plus importante de l'édifice (Pl. 14 et Pl. 15). Elle contient un réseau dont les formes sont doublement hiérarchisées : les arcs le sont par emboîtement les uns dans les autres, et les moulures parce qu'elles sont d'autant plus en saillie sur le plan vertical déterminé par le vitrail que leur fonction est plus importante dans l'organisation du remplage.

L'arc d'encadrement de cette baie est orné d'un tore. Son tympan contient une rose reposant sur deux arcs brisés ; la rose et ces deux arcs sont eux aussi munis de tores, placés dans le même plan que ceux de l'encadrement ; tous ces tores se pénètrent à leurs points de rencontre et reposent sur trois colonnettes, placées le long des piédroits et devant le meneau central. Chaque colonnette est surmontée d'un chapiteau à feuillages.

La rose contient un quadrilobe, placé en retrait du tore d'encadrement. Les deux arcs qui la portent sont subdivisés chacun par deux arcs plus petits, portant une rose et reposant sur des meneaux sans colonnette ; toute cette partie du réseau se trouve dans le même plan que le quadrilobe de la rose supérieure.

Les redents des arcs inférieurs et les trilobes contenus par les petites roses sont placés dans un troisième plan, encore plus rapproché du vitrail.

Cette hiérarchisation des moulures dans des plans différents, en fonction du rôle de l'élément qu'elle souligne, est habituelle au XIIIe siècle, à partir du moment où les fenêtres à réseau furent divisées en plus de trois formes. Cette technique subtile aura tendance à disparaître par la suite.

Cette façade est traitée à la façon d'une façade occidentale telle qu'on en faisait chez les cisterciens, c'est-à-dire sans décor sculpté et sans tours, mais en insistant sur la qualité de la baie. Elle nous permet d'avoir une idée de la façade occidentale, détruite ou jamais construite. On peut d'autant plus regretter l'horrible clocher en béton armé placé devant elle.

Le mur sud du transept est entièrement recouvert, à l'intérieur, d'un enduit moderne ; on a cependant laissé libre le tympan monolithe d'une porte ; il est en plein cintre et décoré d'une croix de feuillages très mutilée (Pl. 20).

Tout en haut de ce mur, on voit un petit oculus muré, dont une petite partie est visible à l'extérieur, au-dessus de la toiture des bâtiments conventuels, et le reste sous le comble. Sa présence permet de savoir que la toiture médiévale du couvent s'élevait moins haut que celle du XVIIe siècle. Nous y reviendrons à propos de ces bâtiments conventuels.

Chapelles et collatéraux

Les chapelles qui s'ouvrent à l'est du transept sont traitées, du point de vue architectural, comme si il s'agissait d'un collatéral, à un détail près imposé par leur fonction. C'est pourquoi nous les étudierons ensemble.

Les nefs basses sont couvertes de voûtes d'ogive dont les moulurations sont identiques à celles du reste de l'édifice ; mais les doubleaux sont moulurés d'un gros tore aplati orné d'un méplat sur sa face inférieure ; il est dégagé par un cavet. Ce profil est proche de celui qui a été utilisé pour les quatre doubleaux de la croisée, mais il est ici plus simple. Une des clés de voûte mérite une mention particulière, c'est celle de la chapelle la plus au nord. On y voit en effet la seule représentation humaine de l'édifice : un visage au milieu de feuillages (Pl. 18, fig. 2).

Les piles engagées le long des murs sont composées de trois colonnettes, mais il n'y en a qu'une seule dans les angles. La pile placée à l'angle du collatéral nord de la nef et du bas-côté occidental du bras est une colonne ronde ; mais elle est dans la partie reconstituée totalement par l'abbé Chaput et il est peu probable que le restaurateur ait pu avoir un renseignement positif sur l'état antérieur. Il ne faut donc pas en tenir compte dans l'interprétation de l'église médiévale.

Le collatéral oriental du transept a été divisé en chapelles selon un procédé inhabituel pour séparer les deux travées, on avait construit un mur séparatif ne s'élevant que jusqu'à environ 2.50 m du sol et ne se prolongeant pas jusqu'à la colonne qui porte le mur gouttereau du transept, puisque celle-ci ne conserve pas de traces de ce mur. Comme ce mur a été détruit, on ne sait pas jusqu'où il se poursuivait vers l'ouest. Seules des fouilles pourraient nous faire savoir quelle était sa longueur.

Il ne s'élevait pas jusqu'aux voûtes et était surmonté d'un chaperon ; la colonnette destinée à recevoir le doubleau reposait sur ce dernier. Le sectionnement du mur a été exécuté à la verticale de la colonnette du doubleau, laissant subsister le départ de cette disposition originale (Pl. 15, fig. 2), apparentée à celle qui a été utilisée entre les chapelles rayonnantes des abbayes de Vézelay et de Saint-Étienne de Caen.

Elle paraît être un compromis entre deux nécessités. La première est d'ordre fonctionnel : il fallait faire une séparation entre deux autels voisins afin que des prêtres célébrant la messe en même temps ne se gênent pas mutuellement. La seconde est à la fois esthétique et symbolique l'architecte désirait donner le plus d'unité possible à son église, ainsi que nous l'avons déjà constaté, et, pour cela, il voulait éviter de la sectionner, préférant laisser circuler librement l'air et la lumière. De tels murets, dont le sommet se trouvait au niveau du bas des fenêtres, ne devaient gêner en rien le regard. Leur suppression indique certainement que le message de leur auteur fut compris et parut plus important que la fonction utilitaire de ce membre d'architecture.

Les fenêtres ont des proportions semblables à celles qui percent les murs gouttereaux de la nef et du transept. Mais elles sont dotées de réseaux légèrement différents : dans chacune d'elles, les deux arcs trilobés portent un quadrilobe non cerclé. Mais elles n'ont pas plus de chapiteaux que les précédentes (Pl. 10, Pl. l1, Pl. 15, Pl. 24).

Dans les chapelles du bras sud, le talus qui se trouve à la base de ces baies fait saillie sur le mur, et cette saillie, terminée par un arrondi, se prolonge en bandeau jusqu'aux piles qui reçoivent les retombées des voûtes. Dans les chapelles du bras nord, le talus ne fait pas saillie sur le mur.

Le collatéral sud de la nef était primitivement aveugle, car la galerie du cloître s'appuyait contre lui ; une petite baie a été percée à l'époque moderne.

Quant aux collatéraux du nord, ils sont l'oeuvre de l'abbé Chaput. Leurs dispositions reprennent celles de l'autre collatéral et leurs fenêtres copient celles des chapelles ; mais il est bien sûr impossible de savoir si leur dessin primitif était bien celui-ci.

La façade occidentale

La façade qui ferme la nef à l'ouest (Pl. 26, fig. 2) est l'oeuvre de l'abbé Chaput. Son principal intérêt est d'avoir remployé la rose (mais pas son encadrement) faite pour l'abbaye de Saint-Vanne de Verdun, ainsi que nous l'avons vu dans l'historique de l'abbaye. Certes, dans son état actuel, elle est entièrement neuve, ayant été refaite entre 1929 et 1932. Mais son dessin ne semble pas avoir été modifié.

La rose de Saint-Vanne était due aux travaux de l'abbé Etienne Bourgeois (1417-1452) qui avait reconstruit la nef de son église abbatiale [145].

La façade détruite en 1861 est connue par quelques documents écrits et par le dessin de 1768, dédié au prieur, Dom Wilmann [146] (Pl. 19). Elle était percée, dans sa partie supérieure, par une grande baie et, à sa base, par un portail de style dorique [147] surmonté d'un fronton. Sur le dessin, ce portail est presque identique à celui qui s'ouvrait au milieu de l'aile occidentale de l'abbaye ; la seule différence est que le fronton de ce dernier n'avait pas de base. Et le portail, lui aussi dorique, qui mettait le cloître en communication avec l'église, ne diffère d'eux que par son fronton qui est courbe. On peut donc avancer que la façade occidentale avait été élevée à une date assez proche de celle des bâtiments conventuels, c'est-à-dire vers la fin du XVIIe ou le début du XVIIIe siècle.

Or on sait que les deux gros contreforts de la façade, qui menaçaient ruine en 1686, n'avaient toujours pas été réparés en 1723. Les travaux de réfection eurent lieu peu après, puisque l'abbé accepta de payer sa quote-part en 1724. C'est donc probablement à cette occasion que l'ensemble de la façade fut reconstruit.

Cette façade coupe une nef qui a été prévue plus longue : on voit encore un départ de voûtes d'ogives pour le collatéral nord. Mais on ne sait si les travées manquantes ont été détruites ou bien si elles n'ont jamais été achevées. Nous avons vu, dans la partie historique de cet article, les motifs qui font rejeter au nombre des légendes sans fondement l'assertion selon laquelle l'église aurait eu, jusque 1650, une façade à deux tours.

Les dates de construction de l'église abbatiale

Les restes de l'église précédente

De l'église consacrée en 1136 par l'évêque Aubéron III, il ne reste apparemment rien de visible. Cependant les murs situés le long des bâtiments conventuels présentent un certain nombre d'anomalies, qui permettent d'affirmer qu'ils sont en partie plus anciens que le reste de l'église actuelle [148]. Malheureusement, ils sont en grande partie recouverts d'un enduit récent très épais, qui interdit toute analyse des maçonneries et empêche de les dater avec précision.

Cet enduit laisse voir la plus grande partie d'un tympan (Pl. 20, fig. 1), qui est celui de la porte qui mettait en communication l'église et la sacristie et qui fut murée peu après 1822 [149] (Pl. 8).

Ce tympan est en plein cintre. Sa partie centrale a été défoncée, pour laisser en relief une croix très mutilée et une moulure d'encadrement constituée d'un tore dégagé par un cavet. Ce témoin a été signalé pour la première fois en 1984, dans deux ouvrages qui le croient contemporain des premiers travaux de l'abbaye [150].

Je le pense plus récent : la mouluration ne se rapporte pas aux années 1130-1140 ; elle indique plutôt la fin du XIIe ou le début du XIIIe siècle. La croix, très mutilée, se laisse difficilement dater. Elle ne paraît pas romane ; la souplesse de ses branches fait penser au gothique : on la comparera avec celle qui orne le tympan du petit portail, aujourd'hui muré, qui se trouve à l'ouest du collatéral sud de l'église de Bonnet (Meuse) et que l'on peut dater du début du XIIIe siècle, par comparaison avec la porte des prêtres à Gorze (Moselle) et avec les portails du collatéral nord de Blécourt (Haute-Marne).

Ce tympan de La Chalade peut être comparé avec les portails latéraux de la façade de l'église de Somsois (Marne) [151], où on trouve deux tympans en plein cintre ornés d'un décor en relief (il s'agit ici de feuillages) et encadrés de moulures. Somsois date des alentours de 1200.

Ce tympan est donc bien antérieur à la construction de l'église et à celle de la sacristie ruinée vers 1945 [152]. Il est le dernier vestige datable avec précision de l'église antérieure à l'édifice actuel et permet de savoir que celle-ci se trouvait au même emplacement.

La face occidentale du bras sud laisse entrevoir des remaniements et une position surprenante pour la moulure qui traverse la deuxième travée. Du côté des bâtiments conventuels, on voit un immense arc en plein cintre, qui a été bouché ; dans ce rebouchage, on a percé une lancette, qui fut, elle aussi, murée à une époque postérieure. Tout ceci paraît difficile à dater. La liaison avec la petite porte - que je date du début du XIIIe siècle - ne pouvant être démontrée à cause des enduits, je ne ferai aucune proposition de datation.

L'église actuelle

Aucun texte ne fait mention ou allusion à la reconstruction de l'église [153]. Mais on a reconnu depuis longtemps qu'elle relève de l'art du XIVe siècle. Cette datation est un peu imprécise, puisque ce style déborde sur les siècles voisins : il naît dans les dernières décennies du XIIIe et se poursuit, en Lorraine et ailleurs, au moins jusqu'au milieu du XVe [154]. Marcel Aubert est le seul qui ait tenté une chronologie plus fine, en proposant les années 1320-1340 [155], mais sans argumenter sa datation. Il est vraisemblable qu'elle repose sur les blasons de France et de Navarre, qui se voyaient, avant 1914, dans les fenêtres de l'abside.

Mais on ne peut évidemment dater un monument à l'aide de blasons se trouvant dans des vitraux, et ceci d'autant moins qu'ils ont disparu avant que n'aient été étudiés leurs rapports avec l'édifice.

L'architecture du XIVe siècle est mal connue et ses éléments ne se laissent pas facilement dater avec précision. Cependant, dans le cas présent, il y a un ensemble d'indices concordants qui permettent de proposer une datation relativement précise.

Les réseaux des fenêtres de l'église de La Chalade se répartissent en quatre types différents, dont trois sont des variations sur un même schéma: division en deux formes, surmontées d'arcs trilobés ; partie supérieure occupée par un trilobe (dans deux cas sur trois) ou un quadrilobe, qui ne sont pas cerclés.

Ce dernier motif est particulièrement remarquable dans les baies de l'abside, auxquelles il donne un cachet particulier. En effet ce thème est assez peu fréquent dans les fenêtres gothiques, où on a plus commune-ment utilisé des roses à quatre, cinq ou six lobes.

Le trilobe a été utilisé pour la première fois comme motif unique d'un réseau pour le triforium de la nef de la cathédrale d'Amiens, où il surmonte trois lancettes. L'ensemble fut repris et agrandi aux dimensions d'une fenêtre à Saint-Martin-aux-Bois (Oise).

Le triforium de l'abbaye cistercienne de Royaumont, dont il ne subsiste que peu de choses, reprend ce thème en le modifiant : les lancettes sont réduites à deux et ornées de trèfles.

Ce schéma binaire, qui fut utilisé dans divers monuments français, passa en Allemagne, où on l'utilisa, avec des variantes dans le décor des lancettes, par exemple dans les fenêtres de l'abside de l'abbaye cistercienne d'Altenberg (construite entre 1255 et 1276) et où se voit l'influence de Royaumont ; dans celles de la Briefkapelle à Notre-Dame de Lübeck (vers 1310) ; dans le triforium du choeur de la cathédrale de Cologne, qui date du début du XIVe siècle.

Il semble que ce motif passa de mode après le début du XIVe siècle, tant dans le Royaume que dans l'Empire.

Presque partout, le réseau est porté sur des arcs brisés, tréflés ou non. Mais il est rare qu'il repose sur des arcs en forme de trèfles comme à La Chalade. Le plus ancien exemple de ce thème se trouve au triforium de l'abbaye de Saint-Denis, vers 1236 ; mais il ne fit guère école.

On rencontre à Saint-Urbain de Troyes tous les éléments utilisés dans les fenêtres de l'abbaye argonnaise, mais toujours dans des compositions différentes.

La rareté de ces baies permet de penser que l'utilisation de remplages presque identiques à ceux de La Chalade, dans une église qui en est peu éloignée géographiquement, ne peut être un effet du hasard. Le « portique » de Notre-Dame de Bar-le-Duc présente en effet deux fenêtres dont les formes sont surmontées d'arcs trilobés brisés, et dont le réseau est constitué d'un trèfle. Elles ne sont pas dotées de chapiteau. Elles entrent donc tout à fait dans la série des baies de La Chalade : leurs caractères stylistiques sont identiques et leur dessin est intermédiaire entre celui des baies de l'abside de La Chalade et celui des fenêtres qui percent le haut des murs gouttereaux du transept et de la nef.

Ce portique, ou deuxième collatéral sud, n'est pas daté ; mais il existait en 1299 [156]. Ses caractères permettent de le situer vers les années 1270. Les feuillages de ses chapiteaux, en particulier, sont dans la mouvance de ceux du revers de la façade occidentale de la cathédrale de Reims.

Les fenêtres des chapelles de La Chalade ont des réseaux moins caractéristiques, dont on trouve des exemples peu après le milieu du XIIIe siècle dans des triforiums (cathédrale de Strasbourg, Saint-Amand-sur-Fion...) et, tout au long du XIVe, dans des fenêtres (bras sud de la cathédrale de Saint-Dié ; abside de Saint-Jean-sur-Tourbe, dans la Marne...). Leur origine pourrait être l'ancienne abbaye de Saint-Nicaise de Reims.

Le remplage de la baie sud du bras sud a une composition caractéristique du XIIIe siècle (chapelles de la nef de Notre-Dame de Paris...), mais dont on rencontre des exemples au siècle suivant. La fenêtre de La Chalade ne diffère du réseau qui orne le portail occidental Saint-Urbain de Troyes que par un seul point : les roses secondaires de la collégiale troyenne sont quadrilobées. Ce réseau a servi de modèle pour celui de l'ancien portail sud de Bonnet, aujourd'hui transformé en accès vers la sacristie ; mais, là, l'ensemble est ajouré et la rose supérieure a huit lobes.

Ce même dessin, avec une rose principale quadrilobée et des roses secondaires trilobées, se rencontre au transept d'Altenberg [157], abbaye cistercienne que nous avons déjà citée à propos des fenêtres de l'abside.

Deux points nous retiendrons encore, à propos des fenêtres. Le premier est qu'à La Chalade on ne rencontre pas l'extrême minceur si fréquente au XIVe siècle, dont le premier exemple se trouve à Saint-Urbain de Troyes. Le second est l'absence de cercle autour des trilobes. On y voit parfois la marque d'un XIVe siècle déjà avancé. C'est oublier que des expériences dans ce sens ont été faîtes dès le siècle précédent, que ce soit dans des triforiums ou dans des fenêtres ; il n'y a pas, dans ce domaine, d'évolution linéaire, mais des allers et retours qui témoignent de la diversité des recherches des architectes gothiques.

La nef de l'église Notre-Dame de Bar-le-Duc présente une élévation identique à celle de La Chalade ; mais elle lui est évidemment postérieure, comme le montrent ses chapiteaux, ses moulurations et les remplages de ses fenêtres. De plus elle n'est pas précisément datée : car je ne pense pas qu'il soit prudent de se fier aveuglément à une mention, placée sur un plan de 1623, faisant mention d'une reconstruction par le duc de Bar Robert, qui régna de 1352 à 1411 [158].

Une autre église du Barrois, celle de Bonnet [159] présente des points communs avec celle de La Chalade : la nef est portée sur colonnes et ces mêmes piles encadrent la croisée du transept. On ne connaît aucun document d'archives en relation avec sa reconstruction. Mais, par comparaisons stylistiques, on peut établir que les travaux, qui commencèrent par le choeur aux alentours de 1260, se poursuivirent par tranches successives pour se terminer vers le milieu du XIVe siècle. Les différentes campagnes de construction présentent des changements de parti et de style assez nets, qui laissent penser que la construction fut faite par à-coups.

Les piles de la croisée sont surmontées de chapiteaux dont la structure - mais pas le décor - est semblable à celle de La Chalade. Mais, dans la nef, les chapiteaux ont été scindés de façon à former de petits bouquets de feuillages isolés. En effet les arcs pénètrent partiellement les colonnes, de sorte que seule une faible partie repose sur ces petits chapiteaux, qui ressemblent à des culots. Ce système est postérieur à celui qui est suivi pour les piles occidentales du transept et la nef de La Chalade : là, sur des chapiteaux qui entourent toute la colonne, les motifs végétaux sont répartis en petites touffes placées uniquement dans les axes des retombées des arcs. On a même modelé le tailloir des chapiteaux bas des piles de la croisée, pour former des sortes de petits becs sous les arcs.

Les comparaisons que nous avons pu faire, les rares éléments datables avec une relative précision (fenêtres de l'abside, un chapiteau, piles de la croisée) orientent donc vers la fin du XIIIe siècle plutôt que vers le début du siècle suivant. L'abside semble avoir été conçue vers 1280 ou 1290 ; l'église, telle qu'elle existe aujourd'hui, fut élevée rapidement, sans qu'on puisse fixer sa date d'achèvement.

La saveur régionale de La Chalade est bien marquée. Mais l'influence d'autres monuments cisterciens a pu être non négligeable sur elle. Altenberg a été cité. Mais combien d'autres abbayes ont été détruites, dont on ne connaît quasiment rien ! On pense en particulier à Lisle-en-Barrois, dont le plan, qui est la seule chose que nous connaissons d'elle, était identique à celui de La Chalade. Mais il faut aussi citer Montiers-en-Argonne, où il reste deux bases de colonnes rondes, dont la mouluration atteste le second quart du XIIIe siècle, et dont nous ne savons rien d'autre.

LES OBJETS MOBILIERS DU MOYEN AGE

Les vitraux

Avant 1914, toutes les fenêtres de l'église de La Chalade étaient garnies de vitraux : généralement des grisailles ; il n'y avait de scènes figurées que dans quatre fenêtres : celle de l'axe du choeur et trois autres, dont une au moins se trouvait dans une chapelle du bras sud. Les tympans des trois fenêtres de l'abside avaient des blasons. Peu de fragments ont survécu ; ils ont été remontés dans les fenêtres des chapelles du transept [160], dans la baie d'axe et dans la fenêtre sud du bras sud. Toutes les parties figurées ont disparu. Les descriptions anciennes sont évidemment insuffisantes pour permettre une datation précise.

Trois blasons existaient dans les baies de l'abside. Leur identification pose problème : d'après E. de Barthélemy, auteur de la seule description détaillée antérieure aux travaux de l'abbé Chaput, c'étaient ceux de France, de Bar et de Champagne [161] ; mais H. Jadart, qui passa après l'achèvement de ces travaux, cite celui de Navarre au lieu de celui de Champagne [162]. C'est d'ailleurs le seul écu qui existe encore.

Il est peu vraisemblable que les armoiries aient été modifiées par l'abbé Chaput, car on ne voit pas le but d'un tel changement. Par contre une erreur d'E. de Barthélemy n'aurait rien pour surprendre ceux qui sont familiers avec ses nombreuses publications : il en a commis bien d'autres, et de plus énormes. Il travaillait beaucoup avec sa mémoire et a dû confondre les armoiries de la Champagne et celles de la Navarre, parce que ce comté et ce royaume ont été unis pendant tout le XIIIe siècle.

Cependant il est bien certain que la vitrerie avait été modifiée et complétée au cours du XIXe siècle. La documentation conservée, pour lacunaire qu'elle soit, mentionne des réfections, des compléments et des vitraux neufs.

Certains fragments conservés - et en particulier le blason de Navarre -ont un aspect très douteux. Une étude de recherche d'authenticité serait nécessaire. De plus, il faut savoir que plusieurs des fragments aujourd'hui conservés proviennent de baies recréées par l'abbé Chaput.

E. de Barthélemy ne signale de grisailles que dans les fenêtres de l'abside, et quelques fragments dans la baie percée au nord du bras nord. On peut évidemment imaginer que cet auteur n'a pas signalé toutes les grisailles ; mais il est prudent d'admettre que son silence ne présage rien de bon pour l'ancienneté des vitraux qu'il ne cite pas.

Le doute est confirmé par la description faite par Henri Jadart en 1894 ; l'érudit rémois était sans illusions sur l'ampleur des restaurations dans les vitraux qu'il vit [163].

Enfin l'inventaire fait, en 1905, à la suite de la séparation de l'Église et de l'État, énumère [164] :

- " quatre vitraux avec personnages " ;

- " dix vitraux en grisaille, y compris la rosace " ;

- " dix petits vitraux, ancienne grisaille ".

L'interprétation la plus optimiste de cette dernière expression ne permet pas de croire à l'ancienneté des dix autres grisailles, parmi lesquelles est rangée la rosace dont la vitrerie ne pouvait pas être antérieure au XIXe siècle.

Il est certes vraisemblable que l'abbé Chaput n'a pas inventé, mais qu'il a complété et copié les grisailles anciennes. Mais il serait important de faire une étude d'authenticité, car les rapports qui ont été signalés avec les grisailles de Saint-Urbain de Troyes et d'Altenberg [165] pourraient être des indications précieuses pour la connaissance des divers courants artistiques qui se sont croisés à La Chalade.

Les trois blasons, qui se trouvaient dans les baies de l'abside, n'ont pas été portés ensemble par une seule personne : il n'y a pas d'alliance entre les comtes de Bar et la famille royale de France au temps où cette dernière possédait le royaume de Navarre.

Il faut envisager autrement la signification de ces blasons. C'est ce qu'a fait Helen Jackson Zakin [166], qui a analysé l'évolution des relations entre le comte de Bar et le roi de Navarre durant la période pendant laquelle ce royaume était tenu par un membre de la famille royale française.

On peut la résumer ainsi : Jeanne, héritière de Champagne et de Navarre, fut mariée en 1283 à celui qui, l'année suivante, allait devenir le roi Philippe le Bel. Les relations sont alors tendues avec le comte de Bar et la guerre finit par éclater. Le roi fut vainqueur et imposa le traité de Bruges au comte Henri III (4juin 1301). Celui-ci se reconnut vassal du roi pour tous ses alleux situés à l'ouest de la Meuse ; ce fut la création du "Barrois mouvant " et l'entrée du comté de Bar dans l'orbite française. Henri mourut l'année suivante. Son fils Edouard 1er, âgé de six ou sept ans, fut élevé à la cour de France. En 1306, il épousa Marie de Bourgogne, dont la soeur Marguerite avait épousé l'année précédente le futur Louis X le Hutin. Ce dernier fut couronné roi de Navarre en 1307, en tant qu'héritier de sa mère Jeanne. En 1314, Marguerite fut condamnée pour adultère et exécutée. Et les relations se détériorèrent entre les deux anciens beaux-frères.

H. J. Zakin interprète ces vitraux dans un sens généalogique : elle les date donc de la période pendant laquelle le comte était le beau-frère du roi, c'est-à-dire entre 1307 et 1314. Cette démonstration se heurte à l'absence des armes de Bourgogne, qui surprend, puisque c'est par cette famille, dont étaient issues leurs femmes, que le comte et le roi étaient parents.

C'est pourquoi il me semble qu'il faut donner un sens politique à ces blasons et élargir la période possible pour ces vitraux, en y incluant les années qui suivent le traité de Bruges.

L'élargissement n'est pas considérable, puisqu'il n'ajoute que six années. Mais c'est justement cette période qui devient la plus probable : ce sont les liens de sujétion envers le roi Philippe IV le Bel, roi de France et de Navarre, qui sont affirmés dans ces verrières, et il faut certainement les dater de la période pendant laquelle le jeune comte était à la cour de France, parce que le roi avait, sans aucun doute, un droit de regard sur la gestion du comté.

Quoiqu'il en soit, il est certain que ces vitraux ne peuvent être antérieurs à 1301, ni postérieurs à 1314.

Les monuments funéraires

Frère Louis

La seule inscription funéraire qui soit restée en place (Pl. 20, fig. 2), et la seule qui pourrait donner une indication sur la date de l'édifice, n'a pas encore été signalée. Elle est gravée sur le contrefort de l'abside placé au sud de la fenêtre d'axe [167]. Elle est incomplète et mutilée, mais se laisse encore déchiffrer. Dans un cadre gravé, on a tracé quatre lignes, et prévu la place d'une cinquième, pour servir à placer les lettres. On lit :

HIC : JACET

FRATR : LVDO

VIC' (fleur de lys) OBI

IT

C'est-à-dire : Hic jacet frater Ludovicus ; obiit... (Ici gît frère Louis il mourut...).

La dernière lettre est seulement dessinée avec un instrument pointu, montrant que le lapicide a été interrompu dans son travail.

Les caractères de cette inscription indiquent le XIIIe ou le début du XIVe siècle. Autant dire que cette inscription pourrait être un élément important pour la chronologie de l'édifice, Si elle était datée. Malheureusement, elle ne l'est pas. Et le personnage qu'elle désigne est inconnu. Le titre de frère désigne un moine ; on peut même penser qu'il s'agit probablement d'un abbé : le titre de frère leur fut donné tout au long du Moyen Age et encore au XVIIe siècle. Certes, aucun abbé de ce nom n'est connu à La Chalade. Mais nous ne les connaissons pas tous [168] ; et le XIVe siècle est la période pour laquelle nous sommes le moins bien renseignés, puisque quatre noms seulement figurent dans notre liste entre 1290 et 1400 !

Oger seigneur de Dannevoux

Cette dalle funéraire (Pl. 21, fig. 1) a été cassée en plusieurs morceaux ; mais les morceaux ont été recollés et la dalle est complète. On y a gravé la figure d'un chevalier, sous un arc trilobé. Il a les mains jointes et ses pieds reposent sur une sorte de petite estrade.

Sur l'arc trilobé, se lit l'inscription qui donne son nom : CI GIST. MESIRE. OGIERS. CHEVALIERS. SIRES. DE. DONEVOU. PROIEZ. POR. LUI [169].

Il est vêtu d'un haubert (ou cotte de mailles) muni d'un capuchon, qu'il a passé sur sa tête, et de gants. Par-dessus, il porte une cotte d'armes sans manches. Ses jambes sont protégées par des chausses de maille.

Il porte en bandoulière une épée courte, à lame lourde, faite pour frapper d'estoc. Le pommeau est en forme de vase, comme si il avait contenu des reliques : les quillons sont légèrement courbés vers la lame. La poignée est faite pour être tenue avec une seule main. Tous ces caractères indiquent le milieu du XIIIe siècle [170].

L'arc trilobé repose sur deux colonnettes munies de chapiteaux à feuillages stylisés, assez sommairement traités. Au-dessus de chaque côté, on voit des fortifications qui symbolisent la Jérusalem céleste. Ce thème est assez rarement traité sur des dalles funéraires, mais bien plus souvent au-dessus de saints, par exemple sur les vitraux de l'abside de la cathédrale de Châlons-sur-Marne, où on trouve des architectures assez proches. La qualité du dessin de la dalle est très inférieure à celle du vitrail et on ne peut évidemment la dater de façon très précise en fonction de ce seul élément. On peut seulement proposer une datation vers 1250 ou dans le troisième quart du XIIIe siècle [171].

Il existe, au Metropolitan Museum of Art de New York (U.S.A.), une dalle gravée remarquablement proche de celle d'Oger de Dannevoux, par le détail du costume, la disposition des plis des vêtements, l'inscription sur un arc trilobé surmonté d'une architecture. Elle est incomplète (les côtés ont été coupés) et ne porte pas de date, mais seulement le nom du chevalier qui y est représenté : Jacquelin de Ferrières. Sa provenance exacte est inconnue, mais elle présente une si étroite parenté avec celles de La Chalade, qu'elle doit provenir d'une église de la même région. F.A. Greenhill date cette dalle des environs de 1280 [172], probablement par comparaison avec la dalle d'un chevalier de Saulx, qui se trouve à Fontaine-lès-Dijon et qui est datée de 1270 [173].

De chaque côté d'Oger de Dannevoux, on a représenté son blason sur un écu triangulaire sur un champ entouré d'une bordure, est figuré un croissant, surmonté d'un râteau (?) à cinq dents [174] chacune des dents est décorée de besants, qui n'ont probablement qu'un rôle décoratif et non héraldique.

Le personnage représenté n'a pas encore été identifié, bien qu'il apparaisse dans plusieurs textes. Oger de Dannevoux, chevalier, fils de Garnier de Vienne, donna aux lépreux de Royon, une rente en blé sur le moulin de Liey, en juillet 1239 [175]. Il est cité, entre 1249 et 1252, comme vassal d'Oudinet de Saint-Hilaire et arrière-vassal du comte Thibaud IV de Champagne [176]. A une date inconnue, antérieure à 1280, il porta au comte de Bar l'hommage d'une terre qu'il avait tenu du comte de Grandpré [177].

On peut donc proposer pour cette dalle une date vers les années 1270-1280.

Raoul Buri, seigneur de Fontaine-en-Dormois

La deuxième dalle (Pl. 21, fig. 2) est restée monolithique, mais il lui manque un petit morceau à l'angle supérieur gauche. Elle ressemble beaucoup à la précédente. On y a gravé un chevalier, sous un arc trilobé brisé reposant sur des culots ornés de petits chiens.

Comme Oger de Dannevoux, le personnage représenté est vêtu d'un haubert recouvert d'une cotte d'armes et porte des chausses de maille. Mais il a coiffé son heaume. Celui-ci est caractéristique du milieu du XIIIe siècle, avec la fente horizontale pour les yeux et le renforcement vertical dans l'axe du nez, ce qui dessine une croix.

Sur l'arc trilobé, est écrit : CT GIST ME SIRES RAOUS BURIZ CHEVALIERS SIRES DE FONTAINES PROIEZ POUR LUI.

Dans chacun des angles, au-dessus de l'arc, on a représenté son blason : un lambel à cinq pendants et une bordure [178]. Ce blason ne diffère du précédent que par l'absence du croissant, qui est sans doute une brisure.

Raoul Buri, chevalier, seigneur de Fontaine-en-Dormois [179], n'a, lui non plus, jamais été identifié. Il est cité, dans un document rédigé entre 1249 et 1252, comme vassal du comte de Rethel et arrière-vassal du comte de Champagne [180]. Il vivait encore en novembre 1261, date à laquelle il passa un accord avec Thibaud V, comte de Champagne [181].

La parenté entre cette effigie et celle d'Oger de Dannevoux est frappante, et sa date doit être fixée dans la même période.

Un chevalier anonyme

Une troisième dalle (PI. 22, fig. 1) est proche parente des deux autres. Elle est très incomplète : il n'en subsiste qu'une partie du haut. Elle a été découpée, sans doute pour servir de pavage.

Le chevalier qui y est représenté est vêtu d'un haubert recouvert d'une cotte d'armes. A son cou, est suspendu un écu qui recouvre toute la partie conservée de son corps. Sur ce bouclier, est gravé son blason : pals de vair (il n'en reste que trois), au chef chargé d'un râteau (?) à six dents (quatre sont conservées) ; les dents sont décorées de besants.

Il est placé sous un trilobe légèrement brisé, surmonté d'un gâble et reposant sur deux colonnettes à chapiteaux ornés de feuillages. Dans les écoinçons, entre le gâble et le trilobe, on a gravé deux roses et une fleur de lis. Au-dessus du trilobe, se voit une enceinte fortifiée, celle de la Jérusalem céleste.

Sur la bordure supérieure, la seule qui soit conservée, se lit la fin d'une phrase: M(?) MELIVS SUSCIPET IPSE DEUS +.

Sur la portion conservée de l'arc, on voit un morceau d'une inscription qui se poursuit sur la seule colonnette conservée ; le début et la fin manquent : ... ANNUS SUB PETRA PUIVERE TECTVS QVI FVERAM MILES UT NOTAT EFFIGIES [182].

Cette dalle présente des caractères proches des deux précédentes et doit avoir été faite vers le même temps.

Perrin de Vauquois

Henri Jadart a publié une inscription aujourd'hui disparue, qui se trouvait gravée sur une pierre de 45 cm de haut et 52 cm de large. Nous la reproduisons telle qu'il l'a éditée [183]

+Ci gist : nobles : hons : Perrin

s : de : Vaucoix : iadis : Balis : de

Clermont : fundour : de : ces

te : chappelle : qui : mourut:

Ian: M: CCC : LXXII: XXVe iours

de moix : daoust : proies

pour: lui : + amen :

Le gisant

La seule statue funéraire conservée dans l'église de La Chalade est un gisant anonyme (PI. 22, fig. 2), qui a été cassé. Deux blocs de pierre jointifs subsistent seuls et il manque sa partie inférieure, à partir des genoux.

C'est un homme allongé sur le dos, les mains jointes sur la poitrine. Il est imberbe et porte des cheveux courts, comme c'était la mode à la fin du XIVe siècle et au XVe. Il est accompagné par deux anges, qui tiennent ses épaules et dont les têtes ont disparu.

Il est vêtu d'une cotte qui est étroitement ajustée. Elle est boutonnée par-devant et les manches le sont sous les avant-bras. Le capuchon repose sur ses épaules.

A sa ceinture, placée très bas, pend une dague de coutillier, portée par-devant, entre les deux cuisses ; elle passe dans un petit sac de peau qui servait d'escarcelle et empêche l'arme de ballotter de droite et de gauche [184].

Cet homme d'armes n'était pas un chevalier, combattant à cheval, mais un coutillier, c'est-à-dire quelqu'un qui combattait à pied et qui n'avait peut-être même pas le titre d'écuyer [185].

Son costume, sa dague, sa coiffure et son visage indiquent la fin du XIVe siècle [186].

Hubert Collin propose d'y voir le gisant de Pierre de Vauquois, dont l'inscription rapportée ci-dessus fait mémoire [187]. Cette identification est vraisemblable.

LES BATIMENTS CONVENTUELS

Au Moyen Age

Les bâtiments monastiques tels qu'ils étaient avant les reconstructions du XVIIe siècle sont mal connus. On peut cependant indiquer comment ils s'organisaient les uns par rapport aux autres et étudier les quelques éléments qui en subsistent.

Tout d'abord, il faut faire remarquer que la route ne longeait pas le chevet de l'église, comme elle le fait actuellement. Elle passait à une centaine de mètres plus à l'est et l'enclos des moines s'étendait jusque-là.

Le cloître

Il était évidemment le centre du monastère. Il se trouvait là où il fut reconstruit au XVIIe siècle, ainsi que le dit Dom de La Hupproye, lors de sa visite de 1686 [188]. Mais son niveau était plus bas que celui du cloître actuel, puisque le visiteur a noté que l'on a porté beaucoup de terre pour hausser et relever ledict cloistre. Et, de fait, son sol est bien au-dessus de celui du pavé de l'église. Il est donc vraisemblable que les fondations de cet ancien cloître subsistent sous le cloître actuel.

Lors de sa visite du 19 au 22 novembre 1670, frère Claude Lemaîstre, abbé de Châtillon [189] signalait que les cloistres, quoyque simples, n'estant ny voûtés, ny lambrissés, ny pavés, sont néantmoins en leur entier. L'absence de voûtes permet de supposer, avec vraisemblance, que les galeries du cloître, telles qu'elles subsistaient en 1670, dataient bien de l'époque romane. Elles furent démolies peu avant 1686.

Différents fragments proviennent de ce cloître et des bâtiments conventuels remplacés au XVIIe siècle. Certains d'entre eux ont été dispersés après la reconstruction de l'abbaye, ainsi que le prouve un texte de 1756 [190] ; d'autres ont pu sortir après la Révolution. Certains enfin subsistent encore dans l'église et les bâtiments conventuels.

Les seuls qui aient été publiés [191] (Pl. 23, fig. 1) se trouvent dans une collection privée. Ils proviennent de la maison située au chevet de l'église abbatiale, où ils servaient à caler le grillage d'un poulailler [192]. Ce sont trois chapiteaux, un simple (H. 34 cm ; L. : 30 cm) et deux doubles (H. 34 : cm ; L. : 47 cm ; 1. : 30 cm); leurs dimensions et leurs formes indiquent qu'ils proviennent du cloître. Ils sont très simples, comme on peut s'y attendre dans une abbaye cistercienne [193] : ils sont couverts de grandes feuilles plates et lisses, qui entaillent à peine le bloc.

Le matériau dans lequel ces chapiteaux sont taillés a une provenance assez lointaine : il s'agit d'une pierre extraite aux environs de Vertus (Marne). On l'appelle, aujourd'hui, « pierre de Faloise », du nom de la carrière d'où on l'extrayait. Elle a été utilisée à Châlons-sur-Marne, à l'exclusion de toute autre, à l'époque romane ; elle y fut concurrencée, dès le milieu du XIIe siècle, par la pierre de Savonnières (Meuse) et bientôt supplantée par elle ; La Chalade constitue le point extrême de l'avancée de ce matériau vers l'est [194].

L'utilisation de ce matériau justifie la recherche de comparaisons avec des oeuvres situées dans l'ancien diocèse de Châlons-sur-Marne. Et c'est à Vertus que se trouvent les chapiteaux dont la facture est la plus proche de ceux que nous étudions : dans le transept de l'église (autrefois abbatiale) de Saint-Martin, qui a pu être daté d'environ 1130-1134 [195]. Sur l'un d'eux, qui se situe dans un ensemble stylistiquement cohérent, on retrouve le même décor, avec les grandes feuilles d'angle et le petit lobe médian, qui a pour origine une feuille verticale placée au centre de la corbeille, comme on peut le voir sur d'autres chapiteaux du transept et de la crypte centrale de Vertus.

Toutes ces raisons militent pour une datation vers les années 1130-1140. Il faut donc y voir des restes de la première abbaye, postérieure à l'agrégation à l'ordre cistercien en 1127 et faisant partie de la même campagne de travaux que l'église consacrée en 1136 par l'évêque Aubéron III.

Dans une prairie située à quelques mètres du chevet de l'église, se trouve une croix en fonte moulée, datant de la fin du XIXe siècle. Son pied est fiché dans un chapiteau en pierre de Faloise, décoré sur ses quatre faces : une grande feuille d'eau terminée en boule à chaque angle et deux demi-palmettes au centre de chaque face (H. : 28 cm ; L. 39 cm, diamètre de la colonnette qui le portait : 23 cm). Il est plus petit que les précédents et pourrait en être contemporain ou un peu plus récent (Pl. 23, fig. 2).

Mme Challan-Belval a trouvé, dans le lit du petit ruisseau qui traverse l'ancienne abbaye, un fragment de base, taillé dans un bloc de pierre de Faloise et qui semble pouvoir convenir, par ses dimensions et sa date, à une colonnette portant l'un de ces chapiteaux simples.

Dans une cave du même bâtiment, sont remployés deux supports monolithes, dont on ne voit qu'un lit, ce qui en fait connaître le plan : ils sont tous les deux quadrilobés ; les colonnettes d'angle de l'un sont séparées par autant de gros tores, tandis que l'autre n'a que deux tores, ce qui lui donne un plan rectangulaire alors que le premier est contenu dans un plan carré. Ces supports ne sont pas taillés dans de la pierre de Faloise, mais dans de la gaize, c'est-à-dire dans le matériau local. On peut les situer vers le milieu ou la fin du XIIe siècle.

Le trésor ou chartrier

Avant la Seconde Guerre mondiale, on voyait, près du bras sud du transept de l'église, une construction médiévale, à deux niveaux, faisant saillie sur l'aile orientale du couvent. Elle contenait anciennement la sacristie, au rez-de-chaussée, et le chartrier ou trésor, au premier étage. Ces deux derniers mots ont servi à désigner l'ensemble de l'édifice. Sa partie la plus intéressante, celle qui faisait saillie à l'est du bâtiment monastique, a malheureusement été presque entièrement détruite après la guerre, victime de son mauvais état et de la stupidité humaine (Pl. 2, Pl. 3, Pl. 8, Pl. 10, Pl. 11, Pl. 24 et Pl. 25).

Ce type de bâtiment, contenant la sacristie et faisant saillie sur le reste de l'aile orientale de l'abbaye, n'était pas rare chez les cisterciens [196] et il y en existait un dans l'abbaye de Lisle-en-Barroîs, qui était proche parente de La Chalade.

Après la sécularisation, les voûtes inférieures de ce bâtiment avaient été démolies pour le transformer en écurie [197]. L'étage avait conservé ses voûtes [198].

De ce trésor ne subsiste que le mur occidental, qui est inclus dans le bâtiment du XVIIe siècle, et celui du nord, jusqu'à son angle oriental qui a encore ses deux contreforts. On voit les départs des ogives et des formerets des voûtes reposant sur des culots sculptés de feuillages datables du milieu ou du troisième quart du XIIIe siècle (Pl. 25, fig. 1). Les ogives basses étaient moulurées en amande, celles de l'étage étaient simplement épannelées. Les formerets étaient formés d'un tore en amande dégagé par deux cavets.

Une fenêtre subsiste c'est une simple lancette. L'étage, d'après des cartes postales anciennes, était éclairé par des petites baies rectangulaires.

Cet édifice n'est daté par aucun texte. Ses caractères stylistiques indiquent le XIIIe siècle : les fenêtres, les moulurations pourraient convenir à la première moitié du siècle. Mais les chapiteaux ne permettent pas d'envisager une date antérieure à 1250. Il était donc légèrement antérieur à l'église actuelle.

Dans le prolongement de cette ancienne sacristi, il subsiste des pans de murs médiévaux, conservés dans la reconstruction du XVIIe siècle, avec des restes de fresques gothiques.

Les bâtiments des moines

Les descriptions anciennes [199] ne mentionnent les bâtiments que de façon imprécise et il est bien difficile de se représenter la disposition exacte des lieux. On peut cependant en retirer quelques renseignements sur quelques points. Elles ne parlent pas de locaux au nord, ni à l'ouest du cloître. Ces ailes étaient sans doute inutilisables et peut-être en ruines dès le XVIIe siècle. Par contre, il y avait plusieurs constructions à l'est de l'aile orientale.

Celle-ci était construite, comme aujourd'hui, dans le prolongement du bras sud du transept et son étage contenait le dortoir. Au rez-de-chaussée, se trouvaient le chapitre, l'infirmerie, le réfectoire, le chauffoir. La mention de ce dernier lieu permet de penser que le bâtiment se prolongeait vers le sud au-delà du bâtiment actuel, selon une disposition assez courante dans les abbayes médiévales. Tout contre l'église se trouvait le corps de bâtiment contenant la sacristie et le trésor, qui avait été conservé dans la reconstruction du XVIIe siècle et nous est mieux connu.

Comme nous l'avons remarqué à propos de l'église, la toiture de cette aile montait moins haut que celle du bâtiment actuel, qui cache en grande partie un oculus.

Dans le jardin situé à l'est de cette aile, se trouvaient plusieurs constructions dont il ne reste rien et qu'il nous est difficile de localiser même approximativement. (Rappelons que ce jardin s'étendait partielle-ment au-delà de la route actuelle.) Il y avait la maison abbatiale, celle où, en principe, demeurait l'abbé mais, comme les abbés du XVIIe siècle ne résidaient pas à La Chalade, elle était louée à un fermier. Cette résidence, qui se trouvait à proximité du dortoir, était composée de deux parties, d'après la description de 1645. Elle fut détruite en 1680, parce que le bruit fait par les locataires troublait le silence nécessaire aux moines. Nous avons vu les difficultés que provoqua cette destruction. Un nouveau logis fut construit en 1706-1707, sur un autre emplacement, à l'ouest de l'église ; il existait encore quand fut levé le plan cadastral. En 1894, Henri Jadart le vit « totalement en ruines » [200]. Il ne survécut pas à la Première Guerre mondiale (voir Pl. 2 et Pl. 4).

Contre l'ancienne maison abbatiale, se trouvait une construction appelée « le couvent » ; les moines y avaient installé leur cuisine et les chambres des hôtes car les moines de La Chalade pratiquaient l'hospitalité, comme la règle bénédictine le leur imposait.

A un endroit indéterminé, près de la porte principale, qui était placée à l'est de l'église, se trouvait un bâtiment appelé « Le Pavillon ». Il avait été construit par un moine « ancien », c'est-à-dire antérieur à la réforme de 1637. Dès 1654, on y avait installé le réfectoire, l'infirmerie et une chambre.

Enfin, à l'ouest de l'abbaye, il y avait diverses constructions (grange, écurie, etc.), remaniées à différentes reprises et qui figurent, en tout ou en partie, sur l'ancien cadastre.

La date de ces locaux n'est fixée par aucun texte. On sait seulement qu'ils étaient en mauvais état, et même partiellement en ruines en 1654 et probablement dès 1645, bien que ce document soit moins explicite. La multiplicité des bâtiments annexes, construits à l'est de la seule aile qui ait été alors habitable, indique sans aucun doute que ce mauvais état durait depuis longtemps et qu'on avait tenté d'y remédier par des solutions provisoires et peu coûteuses. On est donc amené à penser que les constructions qui existaient au milieu du XVIIe siècle avaient plus d'un siècle d'existence.

Par ailleurs, dans l'histoire de l'abbaye, on ne voit qu'une période de grande misère avant 1650 : c'est la guerre de Cent Ans. Il est vraisemblable que c'est à ce moment que les bâtiments ont été partiellement laissés à l'abandon. Ils étaient donc antérieurs à celle-ci.

Enfin, si on observe qu'aucun reste architectural postérieur au XIIe siècle n'a été trouvé sur le site de l'abbaye ou dans ses environs, on est tenté de croire que les constructions détruites à la fin du XVIIe siècle étaient plus anciennes que l'église qui nous a été conservée, et remontaient au siècle où l'abbaye fut fondée.

Tout ceci est évidemment hypothétique. En l'absence de document précis, seules des fouilles permettraient d'avoir des certitudes.

Les constructions du XVIIe siècle

Au sud de l'église, s'étendent les anciens bâtiments conventuels. Il en subsiste deux ailes, au sud et à l'est de la cour du cloître.

A la fin du XVIIIe siècle, la cour du cloître était donc carrée ; ses quatre côtés étaient bordés par des bâtiments d'une ordonnance identique, formant un ensemble architectural monumental, qui pourtant restait dans la simplicité cistercienne (Pl. 8 et Pl. 9).

La destruction de deux ailes et la modification de l'aile méridionale a détruit cette unité et rendu moins perceptible sa monumentalité. Et l'ouverture de l'espace vers le nord et l'ouest a brisé l'impression voulue par les constructeurs.

Au rez-de-chaussée de chacune des ailes, se trouvait une galerie voûtée. Seule celle de l'est nous a été conservée, à peu près intacte ; et c'est donc elle que nous allons décrire (Pl. 25, fig. 2, Pl. 26).

Elle comprenait sept arcades en plein cintre, reposant sur des piles de plan cruciforme ; en effet, vers l'extérieur, se trouve un petit contrefort, peu saillant, qui ne se prolonge pas à l'étage.

L'ensemble est construit en alternant, de façon régulière, la pierre et la brique : une assise de pierre et quatre rangs de briques. Le procédé avait déjà été utilisé par les Romains et il a été repris à différentes époques, un peu partout : Normandie, Champagne, etc. Ainsi il avait été en usage à Châlons-sur-Marne aux XVIe et XVIIe siècles, pour l'église de Villers-en-Argonne au début du XVIe siècle, pour le château de Braux-Sainte-Cohière vers 1600 ; il sera ensuite largement employé pour la reconstruction de Sainte-Menehould, après l'incendie qui détruisit la ville en 1719 ; de même il sera largement utilisé pour les églises reconstruites en Argonne marnaise ou sur ses bordures, à la fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle Dommartin-la-Planchette, Valmy, Passavant, etc.

L'alternance des matériaux présente un intérêt esthétique qui a séduit à toutes époques ; mais il a aussi une utilité incontestable lorsqu'il mêle la brique avec une pierre fragile telle que la craie ou la gaize, en donnant plus de solidité au mur et en limitant les remontées hydrostatiques.

Cette galerie de cloître est couverte de voûtes d'arêtes, construites en briques, y compris les doubleaux ; mais ceux-ci sont recouverts d'un enduit de chaux sur lequel on a dessiné des joints, pour faire croire qu'ils sont en pierre. Ces doubleaux reposent sur de petits pilastres en pierre. Le mur de fond de cette galerie de cloître est constitué de pierres taillées irrégulièrement.

La galerie subsistante communiquait avec la dernière travée du bas-côté sud de l'église, par une porte rectangulaire encadrée de pilastres doriques et surmontée d'un fronton courbe (PI. 27, fig. 1).

L'étage est construit en briques il est percé de fenêtres cintrées, dont les encadrements présentent une alternance de pierres et de briques et dont les arcs surbaissés ont une clé légèrement saillante.

Les façades extérieures sont entièrement construites en briques, avec cependant quelques pierres placées dans les encadrements de fenêtres et dans les angles. La toiture à l'angle des bâtiments forme un petit pavillon. Des fenêtres, semblables à celles de l'étage des faces intérieures, percent les murs, avec toutefois des différences dans la disposition des pierres.

Cette belle et sobre ordonnance, qui respecte l'esprit de simplicité des premiers cisterciens, se poursuivait sur les quatre côtés du cloître. Elle n'a été conservée presque intacte que sur l'aile orientale : seule sa dernière arcade vers le sud a été murée. Et la destruction de l'aile septentrionale a laissé une cicatrice, d'ailleurs assez habilement traitée : sur l'ancien doubleau on a élevé un mur en briques, probablement récupérées dans les démolitions, qu'on n'a pas jugé bon de percer d'une fenêtre (Pl. 26, fig. 2).

Cette aile orientale a conservé une partie des aménagements faits par les moines. Au rez-de-chaussée subsiste la grande cuisine, récemment remise en valeur par ses propriétaires et qui possède encore sa grande cheminée en pierres de taille, très simple, son four à pain, son potager [201] en briques et une niche qui a contenu un puits ou une fontaine.

Un escalier à balustres en bois monte au premier étage ; là, on voit encore les anciennes chambres des moines, le grand couloir qui les dessert et où s'ouvrent leurs portes aux boiseries simples et belles. Le couloir prend jour sur le cloître, alors que les chambres ont leurs fenêtres vers l'est.

L'aile méridionale était semblable à celle de l'est; mais ses arcades ont été murées à la fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe. Elle comportait sept travées, c'est-à-dire autant que l'autre aile ; mais, en son centre, se trouve une porte monumentale, de belle qualité et très heureusement incrustée à l'emplacement d'une arcade De petites irrégularités montrent qu'elle a été insérée dans un bâtiment préexistant (PI. 27, fig. 2).

Cette porte est entièrement en pierre. Elle est cintrée et moulurée ; sa clé est saillante et ornée. Elle est encadrée par deux pilastres couronnés de chapiteaux ioniques, dont les volutes laissent échapper de petites guirlandes de fleurs. La frise de l'entablement est décorée de rinceaux de feuillages, terminés au centre par deux têtes d'aigle et dans lesquels jouent deux amours nus.

Ce portail date de la première moitié du XV1IIe siècle. On peut supposer qu'il provient du logis abbatial détruit vers 1800 et qui avait été construit en 1706-1707 [202]. Mais rien ne le prouve.

Une autre porte s'ouvre au sud, vers les anciens jardins d'agrément des moines. Elle est en plein cintre et accostée de deux pilastres doriques portant un entablement. Elle est contemporaine du reste du bâtiment.

L'aile qui s'étendait le long de l'église fut démolie peu après 186. Une coupe dessinée par l'architecte Ch. Demoget (Pl. 6) est le seul souvenir qui en subsiste : elle était constituée par une galerie de cloître, qui s'appuyait contre l'église et qui était semblable à celle qui subsiste à l'est de la cour. Elle était surmontée d'un étage, aussi large que la galerie inférieure et qui était éclairé par des fenêtres semblables à celles des autres ailes. Son autre mur, vers la nef de l'église, était aveugle. L'ensemble était surmonté par une toiture à double pente. On imagine volontiers que les problèmes d'écoulement des eaux étaient nombreux dans l'espace ainsi enfermé entre l'étage de ce bâtiment et la nef.

De cette aile subsistent également des pilastres engagés le long du mur du bas-côté, et des traces de reprise à la jonction avec l'aile orientale.

Après sa destruction, elle fut remplacée par une petite construction ne comportant qu'un rez-de-chaussée, qui est visible sur des cartes postales et des photos du début du XXe siècle.

L'aile occidentale a disparu peu de temps après la sécularisation. La façade extérieure, connue par le dessin de 1768, avait été traitée pour en faire la façade principale. Son élévation était semblable aux autres, mais ses extrémités simulaient deux pavillons. Son centre était percé d'un portail surmonté d'un fronton triangulaire sans base.

Jean-Pierre RAVAUX

Tous les clichés illustrant cet article sont de l'auteur.



[1] Commune de Lachalade, canton de Clermont-en-Argonne, arrondissement de Verdun (Meuse). Il m'est agréable de remercier tous ceux grâce à qui ce travail a pu être mené à bien en particulier Mme et M. Challan-Belval, propriétaires de la partie de l'abbaye qui jouxte l'église, qui ont bien voulu me faire visiter les parties qui m'intéressaient et m'ont montré des choses dont je ne soupçonnais pas l'existence ; M. Gilbert Destrez, président des Amis de l'église abbatiale de Lachalade ; M. Théron, maire de Lachalade ; M. François Jannin et tous ceux qui ont facilité mes recherches, en particulier aux Archives de la Meuse et au service régional de l'inventaire.

[2] L'essentiel de la bibliographie et des références aux sources a été donné par Dom. H. COTTINEAU, Répertoire topo-bibliographique des abbayes et prieurés, 3 vol., Mâcon, 1939, et a été repris et complété par J.-M. CANIVEZ, Notice dans le Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastique, t. 12, Paris, 1950, col. 266, puis par Hubert COLLIN, « Les débuts d'une fondation cistercienne en Argonne : l'abbaye et l'abbatiale de La Chalade au diocèse de Verdun », Le Pays lorrain, 1978, p. 121-132. Il faut y ajouter les articles parus depuis cette date.

[3] Avant de désigner une région naturelle, le nom d'Argonne fut d'abord appliqué à la forêt, prolongement vers le sud de celle d'Ardenne.

[4] Roland BLONDIN, « Sur les continuateurs du lat. vulg. ca(l)lata dans le lexique et la toponymie de la Galloromania », Revue de linguistique romane, t. 14, 1980, p. 164-172.

[5] J'croïeue qu'çatint dos brancas

Qu'davalint de d'cheur los chalaides

Pa Chartê et pa Hervâ.

[Je croyais que c'étaient des chariots qui descendaient les côtes

par Chartel et par Herval.]

Texte publié et traduit par E. FOURIER DE BACOURT, « L' "Affileil" raquo;, ancien Noë1 patois de Ligny-en-Barrois. dans Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc, 1893, p. 225-241.

[6] Abbé N. ROBINET, Pouillé du diocèse de Verdun, t. 1, Verdun, 1888, p. 733, n. 2.

FOURIER DE BACOURT, op. cit.

[7] L'expression est utilisée par l'évêque de Verdun Aubéron en 1134 (Gallia christiana, t. XIII Instrumenta, Paris, 1874, col. 568, n° 21) et par l'abbé de Saint-Rémi de Reims en 1135 (Bibliothèque nationale, Collection de Champagne, t. 5, f° 95). Pour la date de la charte de 1134, voir note 42. Pour le nom de l'évêque, voir note 22.

[8] B.N., Coll. Champagne, t. 5, f° 67.

[9] Ibidem, f° 68 v°.

[10] Il s'agit bien de la Haute-Chevauchée qui se trouve dans le département de la Meuse et non de celle de la Marne, car l'abbaye de Moiremont abandonna en même temps ses droits sur Abancourt (commune de Lachalade).

[11] Voir note 25.

[12] B.N., Coll. Champagne, t. 5, f° 82 v°, n° 143.

[13] Julien HAVET, « La frontière d'Empire dans 1'Argonne, enquête faite par ordre de Rodolphe de Habsbourg à Verdun en mai 1288 », Bibliothèque de l'Ecole des chartes, 1881, p. 383-428.

H.STEIN, L. LE GRAND, La Frontière d'Argonne (843 - 1659). Procès de Claude de La Vallée (1535-1561), Paris, 1905.

Ch. AIMOND. Les Relations de la France et du Verdunois de 1270 à 1552, Paris, 1910.

[14] Archives de Condé, Musée de Chantilly, E 8. Voir, dans le même sens, l'affirmation de l'abbé Jean de Varennes, en 1428, citée ci-dessous (Ibidem). L'argumentation de Nicolas Boucherat et du procureur du roi, considérée comme perdue, est conservée sous la même cote.

[15] Charte du 2 avril 1247 ou 1248, publiée par A. LESORT. Les Chartes du Clermontois conservées au musée Condé à Chantilly (1069-1352) Paris, 1904, p.96, n° 31.

[16] Aubry de Trois-Fontaines relate, sous 1'année 1131, l'accession au siège de Verdun de l'évêque Aubéron ; il résume, en une courte notice, ses démêlés avec Renaud de Bar et termine : Postea fecit pacem episcopus cum comite Barri pro quadam summa, et dedit ei feodum Clarimontis, et feodum de Hans et de Vienna (« Chronique d'Aubry de Trois-Fontaines », Monumenta Germaniae historia, Scriptores, t. 23, Hanovre. 1874. p.830). L'accord a parfois été daté de 1131, alors que le chroniqueur le place après cette année-là.

Les auteurs de la Gallia Christiana ont certainement fait le même raisonnement que moi, quand ils affirment que le comte possédait la garde de l'abbaye dès 1183. Ils s'appuient évidemment sur la charte par laquelle le comte Henri 1er confirma, en tant que suzerain, une donation faite par Raoul de Clermont (B.N., Coll. Champagne, t 5, f° 79, n° 91).

Hubert Collin. ( op. Cit., p.126) date l'acquisition de cette garde vers 1175-1183, sans donner de justification.

[17] On ne le voit intervenir que deux fois au XIIe siècle (en 1133-1134) (BN., Coll. Champagne, t. 5, n° 81) et en 1183 (Ibidem, n° 91).

[18] Chantilly, E8.

[19] Supplique du 10 novembre 1428 (Ibidem).

[20] Acte du 22 mars 1441 (n. st.) (Ibidem).

[21] Le texte du traité n'a jamais été intégralement publié. J'ai utilisé la copie qui se trouve dans le cartulaire de Bar (B.N., ms fr. 11 853, f° 8).

[22] J'utilise la forme française de son nom, celle qu'utilisaient ses contemporains.

Mais parce qu'en latin son nom s'écrivait « Adalbero », certains auteurs traduisent par « Adalbéron ». Pour être logiques avec eux-mêmes, ils devraient traduire « Petrus » par « Pètre »et non par « Pierre ».

[23] L'original n'existe plus. Il en subsiste trois copies : celle de la Gallia christiana (op. cit.), celle copiée en 1785 sur le cartulaire (B.N., Coll. Moreau, t.55, n°79) et celle de Chantilly (E 8). Ces copies ne différent que par d'infimes détails.

[24] Elle a été traduite et commentée en dernier lieu par H. COLLIN, op. cit., p. 121-123.

[25] LAURENT DE LIÈGE, « Gesta episcoporum Virdunensium et abbatum Sancti Vitoni », Monumenta Germaniae historica, Scriptores, t. 10, Hanovre, 1852, p. 506. Republié par l'abbé J.-P. MIGNE, Patrologiae latinae cursus completus..., t. 204, col. 966.

[26] Richard de WASSEBOURG, Antiquitez de la Gaule belgique, 1549, f° 299 v°.

Gaspar JONGELINCX, Notitia abbatiarum ordinis cisterciensis. Lorraine, Cologne, 1640.

R.P. Angelus MANRIQUE, Annales cisterciennes, Lyon, 1642. t. 1, p. 191. Pierre LE NAIN, Essai de l'histoire de l'ordre de Citeaux, t. 9, Paris, 1697, p. 263-264.

[27] Henri, accusé de simonie, de débauche et de dissipation des biens de I'Église, alla à Rome pour se justifier. Le pape demanda à son légat en France de régler cette affaire. Henri fut donc convoqué au concile de Châlons-sur-Marne, le 2 février 1129. Sur les conseils de Saint Bernard, il accepta de démissionner.

[28] Ancien diocèse de Troyes aujourd'hui, commune de Talus-Saint-Prix, Marne.

[29] Diocèse de Châlons-sur-Marne ; commune de Sainte-Marie-du-Lac, Marne (son emplacement est noyé sous le lac du Der).

[30] Dans l'ordre cistercien, une « grange » était une exploitation agricole où travaillaient et vivaient en permanence des moines. C'est l'équivalent de certains prieurés bénédictins.

[31] Commune d'Ambrières, Marne. Remarquable ensemble de bâtiments du XIIe au XVIIIe siècle, en cours de destruction grâce à l'obstination de leur propriétaire.

[32] Commune de Possesse, Marne. Il reste l'un des bâtiments monastiques.

[33] Cette hypothèse a été émise par l'abbé Robinet (op. cit., p. 737) et reprise par H. Collin (Op. cit., p. 122). Elle n'est pas contestable.

[34] F. Liénard (Dictionnaire topographique de la Meuse, Paris, 1872) ne cite pas de texte les concernant avant le XVIe siècle.

[35] J.-P. MIGNE, op. cit. t. 182, col. 168-169, « Epistola 64 ».

[36] C'est l'ancienne voie romaine de Reims à Verdun. Une charte de Thibaud II comte de Bar, écrite en français et datée de juillet 1264, donne les noms français de ces limites, que l'acte de 1134 donne en latin ; cette voie y est appelée : li granz chemin levez qui s'an va a Viayne (André LESORT, op. cit., p. 114, n° 49).

[37] La charte de 1134, qui est écrite en latin, dit : via Gibborum, ce que H. Collin (op. cit., p. 123) traduit par voie des bosses, ce qui est bien le sens de ces mots en latin classique. Mais ce nom était, en réalité, une mauvaise latinisation du mot français des Gipponois, dont j'ignore le sens exact. Il semble que le scribe du XIIe siècle l'ait, lui aussi, ignoré. car il paraît difficile de le faire dériver du mot latin gibbus, même Si son génitif pluriel a une consonance proche de Gipponois. Le mot français est donné par la charte de juillet 1264, citée à la note précédente, et aussi par Dom Demeaux, en 1756, dans l'inventaire du chartrier de l'abbaye de Lachalade (A.D. Meuse, 11 F 78, p. 1).

Cette voie se trouvait à proximité de la limite septentrionale du terroir actuel de Lachalade, de la même manière que la voie de Vienne est proche de la limite méridionale. Son nom ne se trouve plus dans la toponymie actuelle (carte au 1/25 000 ; cadastre), à moins qu'il ne soit conservé sous la forme très modifiée de « chemin de la Gépine », qui longe le ruisseau des Sept-Fontaines, au nord du village de Lachalade.

[38] A.D. Marne, 56 H 980. Publication par E. de BARTHÉLEMY, Notice historique et archéologique sur les communes du canton de Ville-sur- Tourbe, Paris, 1865, p. 254. Curieusement cette publication est meilleure que celle de G. ROBERT (« Le prieuré de Saint-Thomas-en-Argonne ». Nouvelle revue de Champagne de Brie. t. 14, 1936, p. 254), qui est défigurée par l'omission de plusieurs mots.

[39] LAURENT DE LIÈGE. op. cit. p. 506. Frédéric. comte de Toul et de Dampierre-le-Château. et Henri, comte de Grandpré, servirent de médiateurs entre les parties.

[40] Gallia christiana, op. cit., col. 1 266.

[41] Gaspar JONGELINCX. op. cit., p. I.

L. JANAUSCHEK, originum cisterciensium, t. 1. Vindobonae, 1877. p. 14, n° XXX.

[42] Cette charte n'est pas datée ; mais la chronologie des témoins permet de proposer cette date : en effet, parmi eux, figure Guillaume, doyen de la cathédrale de Verdun, dont le prédécesseur, nommé Martin, vivait encore en 1133 (Jean-Pol EVRARD, Les Actes des évêques de Verdun, thèse de IIIe cycle, Nancy, et Hugues, abbé de La Chalade, qui était remplacé dès 1135 (charte pour l'abbaye de Saint-Rémi de Reims, A.D. Marne, 56 H 980, dans laquelle figure Robert, abbé de Beaulieu, lui-même remplacé dès 1136).

[43] C'est probablement Pierre Le Nain (op. cit., p. 263) qui a émis le premier cette affirmation, sans citer sa source. Elle fut reprise par presque tous les auteurs postérieurs, qui ne citent pas plus de référence ; par exemple : E. BAUGIER, Mémoires historiques de la province de Champagne, t. 2, Châlons, 1721. p. 183 à 185. Cependant Angelus Manrique (op. cit., p. 191) et Gaspar Jongelincx (op. cit., p. 1) n'en disent rien.

[44] Ayant résumé l'histoire des origines de La Chalade, Laurent de Liège (op. Cit., col. 966) rapporte que Gautier le Neveu, qui possédait La Chalade, la donna à Gui, abbé de Trois-Fontaines, avec l'accord de l'évêque Henri, et maximo Herveo viro nobili hoc totum innente et hortante. Qui Herveus ubi idem locus merito rebus et numero servum Dei accrevit, se coetibus eorum associavit exemplo mirabili. Nam uxori, unico filio, mundoque et omnibus ejus abrenuntians, vir optimus unum servorum suorum ad hoc compulit, ut sibi domino suo laqueum ingula nodaret, et ita se tanquam latronem a domo sua usque ad locum Beati Sulpitii per duo milliaria pertraheret, cunctîs mirantibus, lacrymantibus et Deum in hoc laudentibus.

[45] Peu d'actes font mention du vocable de l'abbaye, ce qui est tout à fait habituel ; il y en a pourtant une dizaine au XIIe siècle. Le plus ancien est daté de 1135 (B.N., Coll. Champagne, t. 5, f° 93 et 94 ; ibidem, Coll. Moreau, t. 56. f° 166).

[46] Hubert COLLIN, op. cit., p. 121-128.

[47] Op. cit., p. 506.

[48] Gallia christiana, op. cit. t. XIII, col. 1320.

[49] Ibidem, col. 1 200.

[50] Edme BAUGIER, op. cit. p. 184. Cet ouvrage, le premier qui traitait de l'histoire de la Champagne, a eu beaucoup de succès. Il est aujourd'hui très décrié, souvent à juste titre, car son auteur n'a pas beaucoup de sens critique ; mais l'auteur a vu des monuments et a eu connaissance de documents disparus depuis. Il est donc souvent nécessaire de le consulter, bien qu'il faille vérifier, autant que faire se peut, toutes ses affirmations.

Cette date de 1136 avait été admise par l'ouvrage édité par Marcel AUBERT et la marquise de MAILLÉ, L'Architecture cistercienne en France, 2 vol., Paris, 1947.

[51] Il arrive fréquemment aux auteurs anciens, même aux plus sérieux, d'affirmer une date pour un événement alors que la documentation dont ils disposaient ne permettait pas une telle précision et sans doute jugeaient-ils que l'addition d'une formule dubitative, telle que « aux environs de », risquait de faire paraître leur ouvrage peu crédible. L'inconvénient de cette méthode, c'est qu'elle rend suspecte toute date précise lorsque nous n'avons pas les moyens de la vérifier.

[52] Analysées par Hubert Collin, op. cit.

[53] Gallia christiana, op. cit., t. XIII, Instrumenta col. 570, n° 24.

[54] Ibidem, t. IX, Instrumenta, col. 50, n° 51; Originaux (chirographes) : A.D. Marne, 22 H 12.

[55] Le texte de cette donation est partiellement conservé par une copie du XVIIe siècle (B.N., Coll. Champagne, t. 5, f° 85, n° 173). Les précisions sur les chandelles sont fournies par une déclaration sur les fiefs aliénés, faite au comte de Champagne, par Robert Ier, châtelain de Sommevesle, fils du donateur, entre 1249 et 1252 ; il plaçait cette donation à une trentaine d'années en arrière (A. LONGNON, Rôles des fiefs du comté de Champagne sous le règne de Thibaud le Chansonnier, Paris, 1877, n° 1 617).

[56] E. LANGLOIS, Les Registres de Nicolas 1V, Paris, 1905 n° 2 423.

[57] Certes E. Langlois publie non pas le texte en entier, mais un court résumé, mais il est peu probable qu'il ait omis de signaler un point aussi important qu'une mention de travaux.

[58] ibidem, n° 2 424 à 2 432.

[59] Cette fondation n'a pas laissé de traces dans ce que nous conservons des archives de La Chalade.

[60] A. LAPlERRE, « La guerre de Cent ans dans l'Argonne et le Rethélois », Revue d'Ardenne et d'Argonne, 6e année (1898-1899) et 7e année (1899-1900).

[61] J.-M. CANIVEZ. Statuta capitulorum generalium ordinîs cisterciensis, t. 3, Louvain, 1935, p. 746.

[62] Chantilly, E 8.

[63] Ibidem.

[64] A.D. Meuse, 11 F 78, f° 2. il écrit en effet : Elle fut pillée et ravagée plusieurs fois en 1551, 52, etc. dans la guerre des princes, tant par leurs armées que par celle du roy. Elle était en très mauvais état, ses bâtiments tombaient en ruine, ce qui obligea les religieux de l'abandonner et de trouver un refuge à Vienne-le-Château. La « guerre des princes » est bien celle de la Fronde. Et, dans les pages suivantes, Dom Demeaux, qui développe le court résumé du folio 2, relate les pillages en leur donnant leurs dates précises dans le XVIIe siècle (f° 16).

[65] Renseignement fourni par Dom Demeaux ; ce qui permet d'être certains qu'elles n'ont pas été remplacées avant 1756. Il est très peu probable qu'elles l'aient été après cette date.

[66] A. ROSEROT, Titres de la maison de Rarécourt de La Vallée de Pimodan, Paris, 1906. p. 142.

[67] Le chroniqueur anonyme de 1654, qui est notre source principale en raison de la disparition des documents originaux, a mal compris les documents qu'il avait sous la main et commis des erreurs de chronologie. Le récit des événements que nous publions est donc en partie hypothétique, pour ce qui concerne Claude Lollier, Nicolas Thomas, Charles de Vaudémont et Charles Le Pougnant (B.N., Coll. Champagne, t. 5, f° 25).

[68] C'est du moins ce qu'assure le moine anonyme de La Chalade qui raconte ces événements (Ibidem).

[69] BERGER DE XIVREY, Recueil des lettres missives de Henri IV, t. 7, Paris, 1858, p. 215-216.

[70] Ici se termine le récit du chroniqueur de 1654 (Op. cit.).

[71] Ce sont des taxes levées par le clergé sur ses propres revenus ; la plus grande partie était versée au roi, sous le nom de « don gratuit », qui était en réalité un impôt obligatoire ; le reste servait à payer les frais de recouvrement et ceux des institutions chargées de la répartition des décimes.

[72] Je n'ai trouvé aucune autre mention de ce « moine laïc ». On peut seulement proposer une hypothèse: il arrivait que le roi impose aux établissements religieux l'entretien d'un ou de plusieurs soldats mutilés à la guerre, et incapables de pourvoir à leur subsistance. Ce système compensait l'absence de pensions versées par l'État et l'inexistence d'institutions spécialisées dans l'accueil de ces malheureux.

[73] Voir, à ce propos, Claude BUIRETTE, Histoire de la ville de Sainte-Menehould et de ses environs, Sainte-Menehould, 1882, p. 219 et 220. Cet auteur ne donne pas la date de création de cette rente, mais cite deux arrêts du parlement de Paris condamnant l'abbaye de La Chalade à la payer (31juillet 1567 et 3 mai 1687), ce qu'elle fit jusqu'à la Révolution.

[74] Arrêts du Parlement des 5 août 1681, 19 juin 1682 et 16 février 1683.

[75] Son contenu nous a été conservé : A.D. Meuse, 17 H 5.

[76] Voir Annexe 1.

[77] Dom Demeaux, qui n'a pas vu que les bâtiments venaient d'être reconstruits, s'étonne de cet accord, qu'il juge contraire aux intérêts des moines, et reproche au prieur Joseph de Fesche sa faiblesse de caractère dans cette occasion.

[78] Dom Demeaux rapporte qu'il se retira ensuite à l'abbaye de Sept-Fontaines.

[79] Les renseignements concernant cette période sont extraits essentiellement de l'inventaire de Dom Demeaux (op. cit., p. 7 à 16) : quelques confirmations, compléments et précisions, proviennent du mémoire anonyme de 1654 (op. cit., f° 25 à 66 v°) et de quelques documents conservés aux Archives de la Meuse (17 H 3, 17 H 5; Q 815).

[80] J.-M. CANIVEZ, Statuta, op. cit., t. 6, p. 53.

[81] Gallia Christiana, op. cit., t. XIII, col. 1320. Voir aussi ci-dessous l'article de Jean-Luc COUSINAT.

[82] Voir Annexe1.

[83] Cette date est fournie par Dom Demeaux (op. cit.), qui indique aussi pour eux l'année 1735.

[84] Il faut remarquer que Dom Derneaux, qui connaît si bien l'histoire des démêlés entre les abbés et les moines, ignore la date exacte des bâtiments, construits 70 ans avant qu'il ne rédige son inventaire : il les date en effet de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe, probablement parce qu'il n'a pas lu les pièces d'archives se rapportant aux travaux, et qu'il ne sépare donc pas celles qui concernent les bâtiments conventuels (entre 1679 et 1692) et celles qui se rapportent à la reconstruction du logis abbatial (1706 et 1707).

[85] A.D. Meuse, 11 F78, p. 6. L'érection eut lieu le 9 octobre 1641. L'acte en est conservé dans les registres paroissiaux, cités par N. Robinet. op. cit.. p. 735.

[86] Dom DEMEAUX, op,. cit., p. 16.

[87] M. LEMOINE, Département de la Meuse, Verdun, 1909. p. 825.

[88] B.N., Coll. Champagne, t. 5, f° 35. Voir Annexe J.

[89] Cette étendue est confirmée par la description faite en 1670, par Dom Claude Lemaistre (voir Annexe 1).

[90] Hubert COLLIN, op., cit., p. 129.

[91] Voir Annexe I. Un des autels de ce temps subsiste (en pièces détachées depuis au moins 1905) : cf. note 101.

[92] Voir Annexe I.

[93] Il y en avait cinq en 1654 (cf. Annexe I).

[94] A.D. Meuse, 11 F 78, p. 6. Un pèlerinage à ce saint est encore signalé en 1888, par N. Robinet (op. cit., p. 735).

[95] L'inventaire de 1905 cite, en plus du maître-autel, ceux de la Sainte-Vierge, de Saint-Nicolas et de Saint-Joseph (A.D. Meuse, 56 V 20). Il n'y avait en effet que trois autels dans les chapelles : l'emplacement de la chapelle la plus au sud était fermé et transformé en sacristie, comme le signalait déjà la visite diocésaine faite par le vicaire général Didiot, le 30 septembre 1851 (Ibidem, 49 V 6. p. 338-339). Cet aménagement dura jusque vers 1980.

[96] A.D. Meuse, 11 F 78, p. 14.

[97] A.D. Meuse, Q 815.

[98] Ibidem.

[99] A.D. Meuse, Q 1533, f° 177.

[100] A.D. Meuse, 20 630, 27 V 4. Voir Annexe 1.

[101] E. de BARTHÉLEMY (op. cit., p. 591) en vit un dans « la chapelle de droite ». L'inventaire de 1905 signale « boiseries d'autel détachées en bois sculpté, comprenant retable et tabernacle » (A.D. Meuse, 56 V 20). Il subsiste, en 1992, des éléments de cet autel, sculpté vers 1686 ; cf. note 91.

[102] A.D. Meuse, Q 815.

[103] N. ROBINET, op. cit., t. 1, p. 735.

[104] A.D. Meuse, L 746, n° 5 ; copie par André Lesort: A.D. Meuse, 16 G 269.

N. Robinet place ce refus en 1729 (op. cit., t. 1, p. 734, n° 2).

[105] L'abbé N. Robinet écrit que les habitants de La Chalade ne furent jamais que les serfs du monastère (op. cit. p. 734, note 3). Mais, d'après la suite de sa remarque, on peut se demander si il ne confond pas servage et payement d'une censive. La censive était la reconnaissance d'un droit de propriété (l'abbaye possédait toute la commune) et non une marque de dépendance personnelle.

[106] Les archives communales ayant disparu, tous les renseignements qui vont suivre sont extraits du volumineux dossier provenant de la préfecture et conservé aux archives départementales de la Meuse : 2 O 630. Il est malheureusement incomplet : en particulier, manquent presque tous les devis, plans et réceptions de travaux, qui étaient retournés à la commune, car ils n'existaient qu'en un seul exemplaire. Le dossier conservé aux archives du Patrimoine commence en 1853, mais conserve surtout le souvenir des travaux postérieurs à 1918.

[107] N. ROUSSEL, Histoire ecclésiastique et civile de Verdun, t. 2, Bar-le-Duc, 1864, p. 254.

[108] C'est ce qui est écrit dans un mémoire du conseil de fabrique daté du 2 octobre 1859 (A.D. Meuse, 2 O 630).

[109] C'est ce qui ressort d'une courte description de 1845, où il est dit que l'église a 27 fenêtres dont 22 gothiques (A.D. Meuse, 20 V 4). Les cinq autres fenêtres sont les quatre qui se trouvent sous ces arcades (deux à l'ouest du bras nord et deux au nord de la nef) et celle percée à l'ouest du collatéral sud.

[110] Dom DEMEAUX, op. cit., p. 13.

[111] N. ROUSSEL, op. cit., p. 254. C'est par erreur que l'architecte diocésain Demoget, dans une notice datée du 16 mai 1853 et conservée aux archives du Patrimoine, prétend que le « portail dorique » datait de cette époque. Les documents concernant les travaux de 1826-1827 n'en font pas mention et ce portail est déjà visible sur le dessin de 1768.

[112] Ce plan était annexé à la lettre du 25 mai 1822, qui le cite et donne l'explication des lettres portées sur lui.

[113] A.D. Meuse, 81 T 362.

[114] A.D. Meuse, 8 O 382

[115] Le devis fut fait par Maxe, architecte diocésain à Bar-le-Duc.

[116] Une inscription gravée, à l'extérieur de l'église, sous une base de colonnette de la fenêtre occidentale du collatéral, commémore l'achèvement des travaux

« Benedicite filu hominum Domino ; le 12 juin 1861 DU PLESSIS BELLIERE »

[117] Le devis fut fait par Ch. Demoget, ingénieur civil, architecte à Bar-le-Duc, le 14 juin 1859. Les travaux furent soumissionnés par Modeste Gondoin, maçon à La Chalade, le 16 août 1860.

[118] Demoget eut beaucoup de mal à se faire payer ses honoraires ce n'est qu'en 1879, alors qu'il habitait Angers, qu'il obtint du conseil municipal la somme de 836,07 F, « relativement à des honoraires qui lui sont dus pour des travaux exécutés à l'église en 1862 » (A.D. Meuse, 2 O 629).

[119] La réception des travaux eut lieu les 23 et 24 décembre 1862.

[120] Le devis fut établi le 29 août 1861 par Ch. Demoget.

[121] Ce travail délicat fut fait par Pierre Henrion, entrepreneur à Vienne-le-Château.

[122] Louis CLOUET, Histoire de Verdun, t. 2, Verdun, 1868, p. 238.

[123] Le rapport de Dernoget prévoit explicitement l'insertion, dans le pignon, de la rose qui provient de la belle église Saint-Vanne de Verdun. Pour les détails de ce transfert, cf. M. MAZILIER, « Notes sur quelques anciens édifices de l'arrondissement de Verdun », Mémoires de la Société philomathique de Verdun, t. 8, 1877, p. 245.

[124] On ne trouve rien concernant La Chalade dans les dossiers concernant les travaux sur les monuments historiques: 81 T 1 et suivants.

[125] Il était également député de la Meuse et c'est à ce titre qu'il intervenait.

[126] Cependant un religieux de La Chalade était curé de la paroisse de La Chalade (cf. : N. ROBINET, op. cit. p. 735) et aussi de celle de Chéhéry.

[127] Il n'y a qu'une seule tentative de synthèse sur ce sujet : Jean-Pierre RAVAUX, « L'église de Margerie », Mémoires de la Société des sciences et arts de Vitry-le-François, t. 36, 1984, p. 152 sq.

[128] Dom Guyton nota, dans sa deuxième visite, que tout le côté nord était réservé aux paroissiens (cf. Annexe I). Le conseil de fabrique le dit aussi, de façon moins précise, le 5 mai 1822 (A.D. Meuse, 2 O 630). L'abbé N. Robinet indique que « la chapelle de la paroisse occupait le collatéral nord de l'église abbatiale » (op. cit. p. 734). La maladresse de son expression indique qu'il a puisé à une source ancienne, qui était peut-être un procès-verbal de visite pastorale. Mais ceux du diocèse de Verdun ont disparu, y compris celui que l'abbé Robinet a cité. Cf. : Répertoire des visites pastorales de la France, t. 4, La Rochelle- Ypres, Paris, C.N.R.S., 1985.

[129] Le vocable est cité dans une délibération du conseil de fabrique du 5 mai 1822 (A.D. Meuse, 2 O 630).

[130] Pour le nombre d'habitants, on consultera Jacques HUSSENET, Argonne, 1630-1980, Reims, 1982, p. 326 sq. Le chiffre de 400 communiants donné par Dom Guyton (cf. Annexe I) est à peine exagéré.

[131] Voir p. 96.

[132] Partage du 22 décembre 1682 (A.D. Meuse, 17 H 5). Le cimetière des moines était cependant séparé de celui des habitants de La Chalade, ainsi que le nota, en 1686, Dom de La Rupproye. Il occupait apparemment la totalité - ou une partie - de la nef détruite.

[133] C'est ce qui ressort de la volonté des moines de continuer à en jouir. Le cimetière des moines était auparavant à l'est de l'église. Il y était déjà quand fut gravée l'épitaphe de frère Louis (voir ci-dessous) à la fin du XIIIe ou au XIVe siècle. Il y était encore quand fut gravée celle de Luc au XVIe siècle (voir note 167). On ne sait quand il fut transféré à l'ouest de l'église.

[134] Voir les recueils de plans publiés par le Père Anselme Dimier (Recueil de plans d'églises cisterciennes, Grignan - Paris, 1949 Supplément, Ibidem, 1967). Nous ne citerons que deux exemples pris dans des abbayes voisines : la nef romane de Trois-Fontaines avait huit travées et celle de Lisle-en-Barrois, qui était gothique, en avait sept, plus un porche.

[135] J'utilise ce mot dans le sens de choeur architectural, malgré le Vocabulaire de l'architecture. Mais comment faire autrement ? Au lieu de limiter le sens du mot « chevet », ses auteurs auraient mieux fait d'accepter ce sens étendu, afin d'éviter quelques-uns des nombreux quiproquos provoqués par les trop nombreux sens du mot « choeur ».

[136] Anselme DIMIER, op. cit.

[137] Il date même certaines d'entre elles de la seconde moitié du XIIe siècle ; mais il s'agit toujours d'édifices gothiques éloignés de la zone où cet art était habituellement utilisé à cette date, de sorte qu'on peut se demander si il n'y a pas d'erreur dans les datations.

[138] A. DIMIER, op. cit., 1er volume, pl. 158, d'après le plan conservé aux archives de la Meuse, 18 H 2. Un autre plan a été publié par l'abbé C. Joignon, d'après un document sans nulle indication venant de la vente de l'abbaye en 1791 (C. JOIGNON, Rembercourt-aux-Pots, s.l., s.d. [1939], p. 309.

[139] H. JADART, op. cit., p. 28.

[140] M. STEGER, « Les marques de tâcherons à l'église de La Chalade », Cîteaux, t. 36, 1985, p. 86-91.

[141] Ces deux arcades avaient été bouchées à une date inconnue (A.D. Meuse. 81 T 1 : rapport au préfet par l'architecte H. Mazilier, daté du 12 mai 1874).

[142] Mais on en a construit quand même, y compris dans de grands édifices : cathédrales de Rouen, Châlons-sur-Marne, etc.

[143] Marcel AUBERT, op., cit., t. 1, p. 273. Liste recopiée par H. Collin ( op. cit., p. 130).

[144] La coutume qui donna ce nom au clocher est décrite par N. Robinet (op. cit., t. 1, p. 743, note 1). Voir aussi Dom Demeaux (op. cit., p. 5-6).

[145] Son épitaphe le dit expressément (publiée par N. Roussel, op. cit., t. 2, p. 174, note a. Voir aussi : Gallia christiana, op. cit., t. 13, col. 1 301).

[146] Il se trouvait dans l'Album verdunois, constitué par l'abbé N. Robinet et conservé à la Bibliothèque de Verdun ; il a été en partie volé ; le dessin représentant La Chalade n'y existe plus. Je le connais par une photographie prise par François Jannin, avant le vol. Je le remercie pour son obligeance.

Ce dessin est cité par N. Robinet (op. cit., p. 742, n° 3), avec la date erronée de 1763. Il est assez sommaire et il simplifie les détails : on notera par exemple que les fenêtres gothiques sont dessinées en plein cintre et sans fenestrage.

[147] Son appartenance au style dorique est affirmée dans un rapport de l'architecte diocésain Demoget, daté du 16 mai 1853 (Archives du Patrimoine). Le schématisme du dessin de 1768 ne permet pas de vérifier cette assertion.

[148] Je remercie vivement Mme Challan-Belval, qui a attiré sur elles mon attention et m'a montré ce qui n'est visible que du côté des bâtiments conventuels.

[149] Cette porte est figurée sur le plan de 1822 ; elle permettait alors d'aller de l'ancienne sacristie vers un petit réduit voûté, qui se trouvait sous l'escalier par lequel les moines allaient directement de leurs chambres à l'église. Cet escalier, détruit peu après 1822, datait du XVIIe ou du XVIIIe siècle.

[150] Hubert COLLIN, Les Églises romanes de Lorraine, t. III, Nancy, 1984, p. 15. Hans Günther MARSHALL, Lorraine romane, La Pierre-qui-Vire, 1984.

[151] Église dont l'étude détaillée n'a jamais été faite. Courte notice par Jean-Pierre RAVAUX, Dictionnaire des églises de France, V B, Paris, 1969, p. 112.

[152] Voir p. 87

[153] Il ne faut évidemment pas tenir compte, bien que certains l'aient fait, de l'indication donnée par E. Deliège (Pays d'Argonne, Reims, 1907, p. 96-102) ; ce n'est qu'une licence poétique qui ne repose sur aucun texte : son auteur relate une légende de son invention, qu'il place en 1275, sous l'abbé Thibaud (qui gouvernait l'abbaye en 1213 et a été remplacé dès 1214 ! ).

[154] On en a la preuve dans les premiers travaux de l'église Saint-Etienne (ancienne collégiale Saint-Pierre) à Bar-le-Duc. Cf. Ch. AIMOND, L'église Saint-Étienne, ancienne collégiale de Bar-le-Duc, Bar-le-Duc, 1912, M. DESHOULIÉRES, « Bar-le-Duc : église Saint-Etienne, ancienne collégiale Saint-Pierre », Congrès archéologique de France, 1933, p. 331-341.

[155] M. AUBERT, op. cit., t. 1 p. 285, note 1. Datation acceptée par H. Collin (op. cit., p. I 29).

[156] Ch. AIMOND, L'église prieurale et paroissiale Notre-Dame de Bar-le-Duc, Bar-le-Duc, 1958, p. 12 et 33. Je n'ai pas retrouvé le texte utilisé par Mgr Aimond ; mais il me semble incorrectement interprété par lui.

[157] Mais les arcs inférieurs n'y ont pas de redents.

[158] M. DESHOULIÈRES, « Bar-le-Duc église Noire-Dame », op. cot., p.318-330. Il ajoute que ses armes se trouvaient sur le portail latéral sud, détruit en 1723. Je ne connais pas l'origine de cette affirmation, ni la valeur qu'il est possible de lui accorder. Ch. Aimond (L'Église prieurale et paroissiale Notre-Dame de Bar-le-Duc, (op. cit.) cite ce plan, mais évite d'attribuer le blason à un duc plutôt qu'à un autre.

[159] 11 n'existe pas de monographie récente de cet édifice important. On consultera : Meuse, canton de Gondrecourt-le-Château, Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, Paris, 1981, p. 110-127 (avec bibliographie). M.-C. BURNAND, Lorraine gothique, Paris, 1989, p. 89-93.

[160] Un plan de l'architecte André Ventre, conservé aux archives des Monuments historiques, indique les provenances de ces fragments.

[161] E. de BARTHÉLEMY, op. cit., p. 591.

[162] H. JADART, « Excursion dans l'Argonne », Revue de Champagne et de Brie, 1894, p. 29.

[163] Ces différentes dates ont conservé, au milieu de vitraux modernes, beaucoup débris de vitraux du Moyen Age. Nous signalons notamment les deux fenêtres latérales du fond de l'abside qui garde chacune un compartiment en grisaille du XIVe siècle ... (H. JADART, op. cit. P.29).

[164] A.D. Meuse, 56 V 20.

[165] Hélène Jackson ZAKIN, French cistercian grisaille glass, New York et Londres, 1979, p 69-75 ; « Cistercian glass at La Chalade (Meuse) », Studies in cistercian art and architecture. t. 1, 1982, p. 140-151 ; « Recent restorations of the La Chalade glass », Mélanges à la mémoire du père Anselme Dimier, t. III. vol. 6 (Abbayes), Arbois, 1982, p. 767-779.

[166] H. J. ZAKIN, Cistercian ?, op. cit., p. 145-147.

[167] Sur la Face principale du même contrefort, se lit une autre inscription, beaucoup plus récente (XVIe siècle) Hic jacet Lucas. La fin manque. Ce Luc est tout aussi inconnu que le frère Louis. Il était probablement moine de La Chalade.

[168] Voir Annexe II.

[169] Cette dalle était seulement fendue quand Henri Jadart la vit et en releva l'inscription (op. cit., p. 30). Ma lecture est légèrement différente de la sienne et de celle de Louis Brouillon (L'Argonne, guide du touriste, Sainte-Menehould, s.d., p. 48).

[170] E. VIOLLET-LE-DUC, Dictionnaire raisonné du mobilier français, t. 5, Paris, s.d., p. 372 sq.

C. ENLART, Manuel d'archéologie française. Le costume, Paris, 1927, p. 470.

[171] Les vitraux ont pu être datés de 1237 (Jean-Pierre RAVAUX, "Les vitraux de l'abside de la cathédrale de Châlons-sur-Marne donnés par saint Louis ", Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne, 1989, p. 73-89). Ce contact stylistique indiquerait-il que ces vitraux sont de provenance argonnaise ? On a fait des vitraux en Argonne au XIIIe siècle (François JANNIN, "Fouilles de l'atelier de verrerie de Pérupt dans la forêt de Lachalade ", Découverte de l'Argonne, t. 2, 1980, p. 6-25).

[172] F.A. GREENHILL, Incised effigial slabs, Londres, 1976, t. 1, p. 41, t. 2, pl. 60a.

[173] Ibidem. pl. 52a.

[174] H. Jadart a lu cinq demi-pals partant du haut de 1'écu et L. Brouillon, cinq vergettes en chef.

[175] A.D. Marne, 10 H 3, f° 312 v°. Dannevoux est une commune de la Meuse; Royon était sur le territoire de Vienne-le-Château (Marne) : le moulin de Liey était à La Neuville-au-Pont (Marne).

[176] A. LONGNON, Rôles des fiefs du comté de Champagne, Paris, 1877, n° 1219, p. 272.

[177] A. LONGNON, Documents..., op. cit., p. 416, n° 7300. Le document qui relate cette soustraction d'hommage est daté par A. Longnon des environs de 1280. Mais le fait peut être bien antérieur.

[178] H. Jadart (op. cit.) et L. Brouillon (op. Cit.) ont mal lu le nom du personnage.

[179] Marne.

[180] A. LONGNON, Documents..., op. cit., p. 303, n° 6431.

[181] A.D. Marne, 10 H 3, f° 418. Cet acte n'est pas cité dans le catalogue établi par Henri d'Arbois de Jubainville, Histoire des ducs et des comtes de Champagne, t. 1, Paris, 1866.

[182] H. Jadart (op. cit.) et H. Collin (op. cit.) ont lu quelques mots de façons différentes. L. Brouillon (op. cit.) ne signale pas cette dalle.

[183] H. JADART, (op. cit.) p. 30. L. Brouillon ne la signale pas.

[184] E. VIOLLET-LB-DUC, op. cit., t. 5, p. 323 et fig. 7.

[185] Un écuyer pouvait se faire représenter avec, pour seule arme, une dague : par exemple Philippe de Saie, décédé en 1359 (dalle au musée de Besançon, reproduite par F.A. Greenhill, op. cit., p. 61b).

[186] Quand Henri Jadart (op. cit.) vit ce gisant, il était déjà incomplet, mais n'était pas cassé. Il semble avoir pris le petit sac qui maintient la dague pour un blason fruste. L. Brouillon ne signale pas ce gisant.

[187] H. COLLIN, op cit., p. 130.

[188] Cf. Annexe 1.

[189] Commune de Pillon, Meuse ; diocèse de Verdun. Il ne reste rien de cette ancienne abbaye cistercienne, qui était une fille de Trois-Fontaines.

[190] Vers l'an 1715, les religieux, avec les débris de quelques vieux bâtiments, firent construire à La Chevrie fine maison contenant trois portées (Inventaire des chartes de La Chalade, fait par Dom Demeaux et achevé le 15janvier 1756 ; A.D. Meuse, 11 F 78, p. 3).

[191] Notices par L. PRESSOUYRE, Saint Bernard et le monde cistercien. Catalogue de l'exposition organisée par la C.N.M.H.S. à La Conciergerie, Paris, 1990-1991, p. 247, n° 139a, 139b et 139c.

[192] Il est à noter que cette maison se trouve à peu de distance dit lieu-dit « La Chevrie », dont il a été question dans la note précédente. Elle est également très proche du chapiteau servant de socle à la croix dont nous allons parler plus loin.

[193] L. Pressouyre (op. cit.) compare leur simplicité à celle du cloître de Fontenay (Côte-d'Or).

[194] J.-P. RAVAUX, « Les matériaux de construction utilisés à Châlons-sur-Marne du XIIe au XVIIIe siècle », Histoire et traditions de Champagne. Mélanges d'histoire et d'ethnographie offerts à Germaine Maillet, Châlons-sur-Marne, 1979, p. 169-177. Lors de la rédaction de cet article, je n'avais pas encore connaissance des chapiteaux de La Chalade, de sorte que j'avais proposé à la pierre de Faloise une extension moindre que celle qu'il est possible de faire aujourd'hui, et qui n'est peut-être pas sa limite extrême.

[195] J.-P. RAVAUX, « L'église Saint-Martin de Vertus », Congrès archéologique de France, 1977, p. 590-613. La figure 2 de cet article montre un chapiteau très proche de ceux de La Chalade.

[196] Voir le Recueil de plans du Père Anselme Dimier (op. cit.).

[197] Visite par Charles Demoget, en 1865 (AD. Meuse, 2 O 630).

[198] H. JADART, op. cit., p. 26.

[199] Voir Annexe 1.

[200] H. JADART, op. cit., p. 32.

[201] Le potager est un massif en maçonnerie, à hauteur d'appui, sorte de fourneau rudimentaire présentant plusieurs petits foyers où l'on dépose des braises (Vocabulaire de l'architecture, Paris, 1972, t. 1, col. 230).

[202] Dom DEMEAUX, op. cit., p. 14.