PONT-VERDUNOIS,
BOURGADE DU MOYEN AGE
OU SE TENAIT « L'ESTAUL »

La Biesme, modeste cours d'eau qui prend sa source à proximité du merveilleux site de Beaulieu-en-Argonne et qui se jette dans l'Aisne entre Saint-Thomas et Vienne-la-Ville, traverse sur près de 30 kilomètres une riante et agréable vallée arrosant les villages ou bourgs de Futeau, Les Islettes, Le Neufour, Le Claon, Lachalade, Le Four-de-Paris, La Harazée, Vienne-le-Château. Longtemps, elle fut la frontière entre le royaume de France et le Saint Empire romain germanique.

Les deux plus grandes puissances du Moyen Age avaient, en Argonne, la Biesme comme frontière. Cette question longuement controversée devait être définitivement établie en 1288.

Des témoignages recueillis à cette date s'accordent tous à déclarer que le « rû de Byemme départ le Royalme de l'Empire ». Plusieurs apportent des preuves formelles, telles que celles de l'existence de « plaids internationaux » où se jugeaient les procès engagés entre les habitants des deux rives: « Ces qui sont par desai le dit rû qui sont de l'Empire, ces qui sont par delai le dit rû qui sont dou royalme de France ».

« L'Estaul »

A l'endroit où la voie romaine de Reims à Metz franchissait la Biesme, se trouvait autrefois une localité gardant ce passage et qui fut détruite par les Vandales en 406. Cette bourgade portait le nom de Pont-Verdunois. Pendant tout le Moyen Age, ce bourg eut une importance considérable par sa situation aux confins de l'Empire germanique et du royaume de France.

Le pont édifié à cet endroit reliait les deux rives près de La Chalade. Là se tenait « l'Estaul », sorte de tribunal international appelé aussi « les plaids ». Sur le pont, territoire neutre, se jugeaient ainsi les procès et différends entre les habitants des deux nations.

Cet usage était d'ailleurs général dans les marches de Lorraine. Une enquête menée en 1390 signale la journée des « estaus » entre les gens du roi et ceux de l'empereur.

Un pont antique, appelé pont Bancelin, situé sur le territoire de la commune du Claon, à quelques centaines de mètres de l'abbaye de La Chalade, subsistait il y a encore une douzaine d'années (notre photo). Il était entièrement construit en bois et en fort mauvais état. Ce pont rappelait celui qui existait au Moyen Age et devait indiquer approximativement l'endroit où était édifié Pont-Verdunois. Ce pont a été restauré entièrement, il y a quelques années, par les services des Eaux et Forêts.

Les ordonnances du roi ne s'exerçaient pas au-delà de la Biesme

Autre preuve de l'existence de cette frontière matérialisée par la Biesme est le fait que la justice française ne pouvait s'exercer de l'autre côté de la rivière. Les ordonnances du roi de France n'étaient pas en vigueur de l'autre côté de la Biesme, rive droite. Les coutumes juridiques étaient différentes sur les deux rives.

Enfin le droit de pêche et la propriété des ponts étaient partagés par moitié suivant le milieu du cours d'eau, entre les habitants des deux bords.

Actuellement, survivance de ces frontières, la limite entre le département de la Meuse et celui de la Marne se situe au milieu de la rivière.

C'était donc, à la fin du XIIIe siècle, une opinion bien établie parmi les habitants du Verdunois que la France et l'Empire étaient séparés en Argonne par le cours de la Biesme.

Alcide LERICHE